C’est un premier pas vers la justice pour les Rohingyas. La requête du procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) pour un mandat d’arrêt contre le chef de la junte birmane, le général Min Aung Hlaing, a été accueillie avec un immense soulagement par les réfugiés rohingyas massés dans les camps à la frontière entre la Birmanie et le Bangladesh. Une lueur d’espoir pour cette minorité persécutée.
Un succès pour les réfugiés rohingyas
« Pour nous, c’est un succès », confie Sayod Alam, une figure de la communauté rohingya réfugiée dans un des immenses camps de fortune à Cox’s Bazar au Bangladesh. Près d’un million de Rohingyas y survivent tant bien que mal depuis leur fuite de Birmanie en 2017, victimes d’une répression brutale de l’armée birmane qui s’apparente selon l’ONU à un « nettoyage ethnique ».
Nous sommes satisfaits d’apprendre que la CPI va émettre un mandat d’arrêt contre le chef de la junte militaire birmane Min Aung Hlaing.
Sayod Alam, réfugié rohingya
Le procureur de la CPI Karim Khan estime avoir des « motifs raisonnables » de penser que le général birman pourrait être pénalement responsable de « crimes contre l’humanité de déportation et de persécution commis à l’encontre des Rohingyas ». Une première étape cruciale pour établir les responsabilités dans ces exactions de masse.
L’espoir d’un jugement des criminels
« Nous sommes heureux, les Rohingyas attendaient ça depuis longtemps », se réjouit Senoara Khatun, une enseignante réfugiée. Elle espère que « tous les criminels seront traduits devant un tribunal par la CPI » et que « la communauté internationale fera en sorte qu’ils soient jugés pour leurs actes et condamnés ».
Mais malgré ce premier pas important, le chemin de la justice sera long pour les Rohingyas. Car si un mandat d’arrêt était émis par la CPI, encore faudrait-il pouvoir arrêter et transférer le général Min Aung Hlaing, actuellement à la tête de la junte qui a pris le pouvoir par un coup d’État en 2021. Un scénario peu probable à court terme.
Une situation toujours précaire
De plus, malgré cette avancée judiciaire, les Rohingyas restent dans une situation très précaire dans les camps surpeuplés du Bangladesh :
- Pas d’emploi ni de scolarisation pour les enfants
- Insécurité et violence des groupes armés
- Baisse de l’aide humanitaire internationale
- Menace de famine dans l’État Rakhine en Birmanie
« Nous ne sommes toujours pas en sécurité dans notre État de Rakhine », souligne Maung Sayodullah, d’une ONG de défense des droits rohingyas à Cox’s Bazar. Il appelle la CPI à poursuivre aussi l’Armée d’Arakan, un groupe rebelle qui s’oppose à la junte mais commet également des exactions contre les Rohingyas.
Le difficile espoir d’un retour
Au-delà de la justice, c’est surtout l’espoir de rentrer chez eux en Birmanie qui anime les réfugiés rohingyas. « Nous voulons rentrer chez nous », martèle Maung Sayodullah. « La communauté internationale devrait faire en sorte que nous puissions regagner notre pays, la Birmanie. Elle devrait travailler pour notre rapatriement, notre sécurité et notre dignité ».
Mais dans un pays plongé dans le chaos depuis le coup d’État, où la junte réprime dans le sang toute opposition et où plusieurs conflits ethniques font rage, le retour des Rohingyas en Birmanie semble encore très lointain. Malgré le soulagement apporté par la perspective d’un mandat d’arrêt de la CPI, leur destin reste plus que jamais suspendu au bon vouloir de la communauté internationale. Saura-t-elle aller au bout des poursuites judiciaires et imposer des sanctions assez fortes pour faire plier la junte ? Les Rohingyas oscillent entre espoir et résignation.