C’est une visite présidentielle qui tourne au vinaigre. Le déplacement d’Emmanuel Macron à Mayotte, territoire français de l’océan Indien dévasté par le cyclone Chido, a été marqué par des échanges très tendus avec la population locale. Des propos chocs du chef de l’État face à une foule hostile relancent les critiques sur sa communication et son style parfois clivant.
« Vous seriez 10.000 fois plus dans la merde! » : la phrase qui passe mal
Jeudi soir, alors qu’il était pris à partie par des Mahorais mécontents scandant « Macron démission », le président s’est emporté : « Vous êtes contents d’être en France. Parce que si c’était pas la France vous seriez 10.000 fois plus dans la merde! ». Des mots forts qui ont immédiatement suscité l’indignation, certains y voyant du mépris envers les habitants de l’île.
Pour Olivier Faure, patron du Parti socialiste, cette saillie est indigne de la fonction présidentielle :
« Un président ne peut pas dire ça. Dans quel autre territoire français, le président sermonnerait nos concitoyens en leur demandant de bien vouloir arrêter de se plaindre de leur tragédie puisqu’ils ont déjà la chance d’être Français »
– Olivier Faure, sur Twitter
Emmanuel Macron a tenté de se justifier le lendemain, affirmant que la foule était notamment composée de « militants politiques du RN », comme pour expliquer la virulence de l’altercation. Mais pour beaucoup, le mal est fait. Cette nouvelle polémique vient ternir un déplacement censé apporter soutien et réconfort aux Mahorais.
Le style Macron en question
Au-delà de cet incident, c’est tout le style de communication présidentiel qui est à nouveau pointé du doigt. Adepte du parler « cash » et du rapport de force, Emmanuel Macron multiplie les petites phrases et n’hésite pas à aller au clash, quitte à choquer.
Pour Philippe Moreau Chevrolet, professeur en communication politique, le président aime « aller dans le rapport de force » avec « la petite phrase pour dominer l’échange quitte à abîmer encore davantage son image déjà autoritaire ». Un constat partagé par de nombreux observateurs, qui estiment qu’Emmanuel Macron marche dans les pas de Nicolas Sarkozy en termes de communication.
Un président aux deux visages
Cet épisode mahorais illustre aussi la personnalité clivante et parfois ambivalente d’Emmanuel Macron. Capable d’emportements et de formules chocs, il sait aussi manier un langage plus policé et technocratique. « On ne sait pas qui il est », résume Philippe Moreau Chevrolet.
Une enquête du journal Le Monde, publiée quelques jours avant le déplacement, renforce cette image d’un président à double visage. Selon le quotidien, Emmanuel Macron aurait eu des propos polémiques en privé, rapidement démentis par l’Élysée. De quoi alimenter les critiques sur un chef de l’État imprévisible et difficile à cerner.
Vers une raréfaction de la parole présidentielle ?
Face aux polémiques à répétition, certains prédisent une évolution de la communication élyséenne. Pour Franck Louvrier, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, « la frontière entre parole publique et parole privée n’existe plus » à l’ère des chaînes d’info en continu et des réseaux sociaux.
Dans ce contexte, il estime que les responsables politiques vont devoir raréfier leurs prises de parole pour limiter les dérapages et mieux maîtriser leur message. Un virage qu’Emmanuel Macron pourrait être tenté de négocier après ce nouveau couac.
Cette visite mouvementée à Mayotte vient rappeler la difficulté pour un président de communiquer efficacement sur le terrain, entre volonté de proximité et risque de dérapage. Une équation complexe qu’Emmanuel Macron peine encore à résoudre, au risque de nourrir les critiques sur son style et sa personnalité.
