La lutte contre les féminicides est plus que jamais d’actualité en Turquie. Depuis plusieurs années, de nombreuses familles se battent pour obtenir justice après le meurtre de leurs filles, sœurs ou amies, victimes de la violence des hommes. Un combat de tous les instants, porté par des mères courage comme Filiz Demiral, dont la détermination force le respect et l’admiration.
Le destin de cette mère de famille turque a basculé en août 2020 lorsqu’un policier lui a annoncé par téléphone la mort de sa fille Ceyda, âgée de seulement 20 ans. Si les forces de l’ordre ont d’abord conclu à un suicide, Filiz Demiral a rapidement compris qu’il s’agissait en réalité d’un féminicide commis par un homme que la jeune femme avait rencontré en ligne. La violence des blessures infligées ne laissait aucun doute sur les circonstances du drame.
Une décision de justice qui choque et indigne
Après avoir tué Ceyda parce qu’elle avait refusé ses avances, le meurtrier a été condamné à 24 années de prison. Mais dans un deuxième temps, explique Filiz Demiral la voix tremblante de douleur et de colère, la justice turque a réduit cette peine de moitié en invoquant des circonstances atténuantes. Une décision incompréhensible pour cette mère endeuillée :
Refuser un rapport sexuel a été considéré comme une raison pour tuer.
– Filiz Demiral
Pour elle, ce jugement a valeur d’encouragement pour les hommes violents, dans un pays où la législation censée protéger les femmes n’est pas correctement appliquée. Filiz Demiral a fait appel de la décision et est prête à porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme si nécessaire. Son seul objectif : obtenir la condamnation à la hauteur du crime commis et ainsi contribuer à endiguer le fléau des féminicides en Turquie.
Istanbul : des milliers de femmes dans la rue
Le combat de Filiz Demiral est loin d’être isolé. Ce dimanche à Istanbul, une grande manifestation a réuni les proches de nombreuses victimes de féminicides, à la veille de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Selon des associations, pas moins de 327 meurtres misogynes ont déjà été recensés en Turquie depuis le début de l’année 2024.
Les participantes arboraient les photos de leurs filles, sœurs ou amies assassinées, sous le regard des forces de l’ordre qui les ont empêchées de défiler. Sur des pancartes, on pouvait lire des slogans tels que « Si je +tombe d’un balcon+, n’y croyez pas : j’aime la vie », faisant référence aux féminicides déguisés en accidents ou en suicides.
Le gouvernement pointé du doigt
Pour les associations féministes, l’attitude du gouvernement turc est en cause dans la persistance des violences misogynes. En 2021, les autorités ont en effet dénoncé la Convention d’Istanbul qui impose de poursuivre les auteurs de violences contre les femmes, arguant que l’arsenal législatif national suffisait à les protéger.
Sauf que dans les faits, déplorent les militantes, la protection est loin d’être suffisante. Pire, cette impunité croissante a légitimé la violence et fait exploser le nombre de crimes contre les femmes. D’autant que les statistiques officielles sur les féminicides n’existent pas, le gouvernement laissant cette tâche aux organisations féministes.
Un combat vital pour les droits des femmes
Face à cette situation dramatique, les manifestantes d’Istanbul affirment leur détermination à continuer le combat, pour que justice soit rendue et que les choses changent enfin. Comme le résume une militante de 27 ans :
Nous continuerons à manifester jusqu’à ce que nous puissions vivre librement, jusqu’à ce que les criminels soient punis. Et je crois que nous gagnerons cette lutte pour les droits.
De son côté, Filiz Demiral est bien décidée à mener jusqu’au bout son « combat pour la justice ». Au-delà de son propre drame, cette mère courage veut se battre pour toutes les femmes de Turquie. Un engagement qu’elle compte poursuivre « jusqu’à son dernier souffle ».
À travers ces mobilisations et ces destins brisés, c’est toute la société turque qui est confrontée à ses démons misogynes. Le chemin sera long, mais l’abnégation de femmes comme Filiz Demiral montre que ce combat vital est désormais devenu incontournable. Pour que plus jamais une jeune fille ne soit tuée pour avoir dit non à un homme.