À l’approche des élections législatives françaises, prévues le 8 juillet prochain, l’inquiétude monte en Algérie face à la perspective d’une victoire du Rassemblement National (RN). Dans les rues d’Alger comme dans les médias, la crainte d’une dégradation des relations entre les deux pays et d’un durcissement des politiques migratoires est sur toutes les lèvres.
Une mémoire encore vive de la guerre d’Algérie
Pour de nombreux Algériens, l’idée même de voir l’extrême droite accéder au pouvoir en France ravive le souvenir douloureux de la guerre d’indépendance (1954-1962). Beaucoup n’ont pas oublié la candidature de Jean-Marie Le Pen, père de l’actuelle présidente du RN Marine Le Pen, à l’élection présidentielle de 2002. Cet ancien para accusé d’avoir pratiqué la torture pendant le conflit algérien avait alors créé un choc en se qualifiant pour le second tour.
Le Rassemblement national est obsédé par l’Algérie ! Comment voulez-vous qu’on envisage leur arrivée au pouvoir sereinement ?
– Un retraité algérien
Des expatriés algériens en France inquiets
L’inquiétude est particulièrement vive chez les nombreux Algériens ayant de la famille expatriée en France. C’est le cas de Lamine, boulanger de 45 ans :
On s’inquiète pour eux, bien sûr. Mes nièces à Toulouse sont paniquées, elles pensent même déménager en Angleterre. Elles sont Françaises, mais elles appréhendent ce qui va se passer…
– Lamine, boulanger algérien
Dans les médias algériens aussi, l’heure est à l’inquiétude. Le journal francophone El Watan titre sur “nos expatriés bouleversés” par la perspective d’un “pouvoir issu de la droite identitaire” aux “idées clairement xénophobes”. Le quotidien arabophone El Hayat se montre encore plus alarmiste, prévenant que “le prix pourrait être le sang” si le RN accède au pouvoir en France.
Les autorités algériennes sur leurs gardes
Officiellement, les autorités algériennes s’abstiennent de tout commentaire sur la situation politique en France. Mais en coulisses, elles suivent de très près l’évolution du rapport de force et ses possibles répercussions sur les relations bilatérales. Certains de leurs relais comme la Grande Mosquée de Paris multiplient les mises en garde contre la montée du RN.
Les craintes portent notamment sur une possible remise en cause par un gouvernement d’extrême droite de l’accord franco-algérien de 1968 encadrant la circulation des personnes entre les deux pays. Une perspective brandie par certains cadres du RN comme Sébastien Chenu, ce qui suscite une vive émotion côté algérien.
L’Algérie, une obsession française ?
Plus largement, de nombreux Algériens ont le sentiment que leur pays occupe une place disproportionnée, presque obsessionnelle, dans le logiciel idéologique de l’extrême droite française. Un attachement souvent teinté de ressentiment et de rancoeur postcoloniale qui inquiète de l’autre côté de la Méditerranée.
Nous avons tourné la page de la colonisation depuis longtemps. Mais eux n’arrivent pas à passer à autre chose, l’Algérie reste leur fonds de commerce politique et ça finit par être malsain.
– Karim, enseignant algérois
Face à ces inquiétudes, beaucoup en Algérie espèrent que les électeurs français sauront faire barrage à l’extrême droite comme en 2002. Mais à quelques semaines du scrutin, c’est la grande incertitude qui prévaut. Et les Algériens, qu’ils vivent au pays ou en France, retiennent leur souffle en attendant le verdict des urnes.