Le monde du cinéma est en deuil. David Lynch, l’un des réalisateurs les plus énigmatiques et influents de sa génération, est décédé à l’âge de 78 ans. Véritable ovni dans le paysage hollywoodien, ce génie touche-à-tout aura marqué des générations de cinéphiles avec son univers surréaliste et dérangeant. De ses débuts fracassants avec Eraserhead jusqu’à son retour triomphal dans Twin Peaks, retour sur cinq œuvres majeures qui résument la carrière hors norme de David Lynch.
Elephant Man (1980) : le film qui le révèle au grand public
Après un premier long-métrage confidentiel, David Lynch accède à la consécration avec Elephant Man, sublime biopic en noir et blanc sur Joseph Merrick, un homme défiguré exhibé comme une bête de foire dans l’Angleterre victorienne. Porté par les interprétations bouleversantes d’Anthony Hopkins et John Hurt, le film est nominé huit fois aux Oscars. Le jeune réalisateur impose d’emblée sa patte : un mélange d’étrangeté, de poésie et de compassion pour les marginaux et les inadaptés.
Blue Velvet (1986) : voyage halluciné au cœur de l’Amérique
Après Dune, échec critique et commercial, Lynch renoue avec le succès grâce à Blue Velvet, œuvre majeure des eighties qui révolutionne le thriller. Derrière ses apparences lisses de petite ville américaine, Lumberton dissimule une face sombre peuplée de personnages sordides et pervers, à commencer par le mémorable Frank Booth campé par Dennis Hopper. Avec sa bande-son lancinante d’Angelo Badalamenti, ce cauchemar éveillé au charme vénéneux est récompensé par le prix de la mise en scène au Festival de Cannes. Il ouvre la voie au néo-noir des années 90.
Twin Peaks (1990-1991) : la série qui change la télévision
En créant Twin Peaks avec Mark Frost, David Lynch transforme durablement le paysage des séries télévisées. Cette enquête labyrinthique sur le meurtre de Laura Palmer dans une bourgade de l’État de Washington passionne et déroute des millions de téléspectateurs avec ses personnages excentriques, son humour décalé et sa narration iconoclaste. Kyle MacLachlan en agent spécial Dale Cooper s’impose comme nouvelle icône de la pop culture. Malgré son annulation prématurée au bout de deux saisons, la série cultissime continue d’influencer les générations suivantes de showrunners.
Sailor et Lula (1990) : une cavale amoureuse déjantée
Inclassable road-movie amoureux, Sailor et Lula offre à David Lynch la consécration ultime : une Palme d’or controversée au Festival de Cannes. L’histoire de deux amants maudits qui fuient la mère castratrice de Lula prend des allures de conte cruel et halluciné. Brouillant les genres, le réalisateur convoque l’esprit d’Elvis et du Magicien d’Oz pour mieux basculer dans le cauchemar. Un baroque délire aux interprétations survoltées de Nicolas Cage et Laura Dern, plus que jamais actrice fétiche du cinéaste.
Mulholland Drive (2001) : le chef-d’œuvre testament
Initialement conçu comme pilote d’une nouvelle série, Mulholland Drive résume tout l’art de David Lynch. Cette symphonie onirique sur une actrice amnésique (Laura Harring) et une apprentie star (Naomi Watts) perdue dans les méandres d’Hollywood n’a jamais livré tous ses mystères. Récompensé par le prix de la mise en scène à Cannes, le film aux multiples niveaux de lecture marque les esprits par ses visions cauchemardesques et son sens aigu du suspense. Du grand art à l’état pur que le réalisateur met en abyme dans Inland Empire (2006), son ultime long-métrage.
David Lynch est mort mais son héritage est immortel. Avec seulement 10 longs-métrages, il a durablement changé l’histoire du cinéma par sa maîtrise inégalée de l’étrange et du malaise. Peu de cinéastes auront eu une influence aussi profonde avec une filmographie aussi resserrée.
– Un producteur ayant collaboré avec David Lynch
Au delà du grand écran, l’artiste protéiforme laisse aussi son empreinte dans la musique, la peinture, la photographie et la méditation transcendantale dont il était un fervent adepte. Des facettes méconnues d’un créateur exceptionnel qui a toujours repoussé les limites de son art sans se soucier des conventions. Son œuvre inclassable et mystérieuse ne cessera jamais de fasciner et d’inspirer.
