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L’Égypte Lance une Ligne Ferroviaire Révolutionnaire

Imaginez traverser l'Égypte du désert à grande vitesse, de la mer Rouge à la Méditerranée en quelques heures. Un nouveau train ultra-rapide promet de révolutionner les transports... Mais servira-t-il vraiment aux passagers ou uniquement aux marchandises ? La réponse pourrait surprendre.

Imaginez un train filant à plus de 200 km/h au cœur du désert égyptien, reliant en un temps record les eaux turquoise de la mer Rouge à celles de la Méditerranée. Ce n’est plus un rêve lointain, mais un projet bien concret qui prend forme sous le soleil implacable de l’Égypte. Au milieu des dunes, les machines grondent et les ouvriers s’activent pour tracer ce qui pourrait devenir l’un des axes de transport les plus stratégiques du pays.

Ce chantier titanesque, porté par une ambition démesurée, symbolise la volonté farouche de moderniser un réseau ferroviaire parmi les plus anciens et les plus vétustes du Moyen-Orient. Mais derrière les promesses de vitesse et de progrès, des questions se posent : ce nouveau lien servira-t-il vraiment à désengorger les villes ou à booster le commerce ?

La Ligne Verte : Un Pont Ferroviaire Entre Deux Mers

Le projet porte un nom évocateur : la Ligne verte. Elle vise à relier Aïn Sokhna, sur les rives de la mer Rouge, à Marsa Matrouh, sur la côte méditerranéenne, sur une distance impressionnante de 660 kilomètres. C’est une première dans l’histoire égyptienne : un train capable d’atteindre 230 km/h, transportant à la fois passagers et marchandises dès 2026.

Ce tracé est-ouest traverse des régions peu habitées, mais stratégiques. Il desservira une vingtaine de gares, dont certaines dans des zones clés comme la Ville du 6 Octobre – qui abrite le seul port sec du pays – et la grande ville d’Alexandrie. L’idée est simple sur le papier : créer un axe horizontal pour compléter l’axe nord-sud historique qui suit le Nil.

Les autorités présentent cette ligne comme un “nouveau Canal de Suez sur rails”. L’analogie n’est pas anodine. Tout comme le canal maritime relie les deux mers et facilite le commerce mondial, cette voie ferrée ambitionne de devenir un couloir logistique majeur, capable de transporter des millions de tonnes de fret chaque année.

Un Réseau Ferroviaire à l’Âge de Pierre

Pour comprendre l’ampleur du défi, il faut regarder l’état actuel du réseau égyptien. Utilisé quotidiennement par un million de personnes, il reste l’un des plus archaïques de la région. Les trains roulent lentement, les infrastructures datent parfois de l’époque coloniale, et les accidents sont malheureusement fréquents.

En 2024, près de 200 incidents ferroviaires ont été recensés, allant des collisions aux déraillements. Ces drames rappellent cruellement la nécessité d’une modernisation profonde. La Ligne verte apparaît donc comme une réponse urgente à ces dysfonctionnements récurrents.

Mais elle n’est qu’une étape. À terme, elle représentera un tiers d’un réseau à grande vitesse de près de 2 000 kilomètres. Les projets suivants – une Ligne bleue le long du Nil et une Ligne rouge vers Louxor – sont déjà sur les plans, même si les travaux n’ont pas encore commencé.

La Nouvelle Capitale : Une Cité Fantôme en Attente de Vie

Parmi les gares prévues, celle de la nouvelle capitale administrative occupe une place particulière. Cette ville sortie du sable à 50 kilomètres à l’est du Caire, construite pour un coût astronomique de 58 milliards de dollars, devait devenir le nouveau cœur administratif du pays.

Inaugurée en 2024, elle accueille déjà plusieurs ministères. Pourtant, elle reste étrangement vide. Les ambassades ont préféré rester au Caire, et de nombreux fonctionnaires font chaque jour la navette en bus depuis l’ancienne capitale. Les vastes avenues et les immeubles ultramodernes contrastent avec l’absence de vie quotidienne.

Les autorités misent beaucoup sur la Ligne verte pour changer cela. En facilitant les déplacements, elles espèrent inciter les employés publics – et d’autres habitants – à s’installer définitivement. La gare, déjà en construction, promet six voies, des correspondances fluides et des services modernes.

Autour du site, les panneaux publicitaires annoncent centres commerciaux, parkings et quartiers résidentiels. Mais sur le chantier, certains ouvriers restent sceptiques. L’un d’eux confie anonymement : “Personne n’habitera ici. On aura construit un beau projet pour les touristes et les marchandises.”

“Elle réduira la pression sur le Grand Caire et favorisera l’émergence de nouveaux centres de croissance.”

Faiçal Chaabane, PDG de Systra Egypte

Cette citation résume l’objectif officiel : décentraliser la population et stimuler le développement dans des zones jusqu’alors marginales.

Fret ou Passagers : La Grande Question

Avec 108 millions d’habitants, l’Égypte est le pays arabe le plus peuplé. Pourtant, la grande majorité de cette population se concentre le long du Nil et dans son delta. Les régions traversées par la Ligne verte sont essentiellement désertiques, ponctuées de ports stratégiques.

De fait, le transport de marchandises semble être la priorité réelle. Les prévisions parlent de 15 millions de tonnes par an, ce qui représente environ 3 % du trafic ayant transité par le Canal de Suez en 2024. Un chiffre modeste à l’échelle mondiale, mais significatif pour le réseau ferré national.

Pour les passagers, l’ambition est plus lointaine : transporter 1,5 million de personnes par jour d’ici 2030 sur l’ensemble du nouveau réseau. Un objectif qui paraît optimiste quand on observe la faible densité démographique des zones concernées.

La ligne desservira principalement des hubs logistiques. Aïn Sokhna et Marsa Matrouh sont avant tout des ports. La connexion rapide entre ces points pourrait surtout bénéficier au commerce international, en offrant une alternative ou un complément au canal maritime.

Des Partenaires Internationaux de Poids

Le projet ne se fait pas seul. Des entreprises étrangères de renom sont impliquées. Une grande compagnie allemande assurera l’exploitation pendant quinze ans, tandis que le matériel roulant sera fourni par un leader européen du secteur.

La supervision technique est confiée à une filiale locale d’un groupe français spécialisé dans l’ingénierie des transports publics. Les phases de test doivent débuter l’année prochaine, avec une mise en service progressive à partir de 2026.

Cette collaboration internationale apporte savoir-faire et crédibilité. Elle garantit aussi que les standards de sécurité et de performance seront alignés sur les meilleures pratiques mondiales – un point crucial après des décennies de problèmes récurrents.

Les Mégaprojets : Symbole d’une Ambition Nationale

La Ligne verte s’inscrit dans une série de réalisations spectaculaires lancées ces dernières années. La nouvelle capitale administrative n’est que l’un des exemples les plus visibles. Ces initiatives portent la marque d’une vision résolument tournée vers la modernité et la grandeur.

Mais elles soulèvent aussi des interrogations. Le coût faramineux, les délais, l’utilité réelle pour la population quotidienne : autant de points qui alimentent les débats. Certains y voient une stratégie de développement indispensable, d’autres un risque de gaspillage dans un contexte économique parfois fragile.

Ce qui est certain, c’est que ces chantiers transforment le paysage égyptien. Des grues percent l’horizon, des routes neuves sillonnent le désert, et des villes entières émergent là où il n’y avait que du sable.

Vers un Nouveau Chapitre pour les Transports Égyptiens

Quand les premiers trains circuleront sur la Ligne verte, ils marqueront peut-être le début d’une ère nouvelle. Une ère où l’Égypte ne se contentera plus d’un réseau hérité du passé, mais affirmera sa place parmi les nations dotées d’infrastructures modernes.

Les défis restent nombreux : sécuriser les investissements, attirer les habitants dans les nouvelles zones, équilibrer fret et transport de passagers. Mais l’élan est donné, et le désert vibre déjà au rythme des machines qui tracent l’avenir.

Ce projet, comme tant d’autres, raconte une histoire plus large : celle d’un pays qui refuse de rester figé et qui parie sur le béton, l’acier et la vitesse pour écrire son futur. Reste à voir si ce pari sera tenu, et si ces rails neufs porteront vraiment les rêves de millions d’Égyptiens.

En résumé :

  • 660 km de ligne à grande vitesse entre mer Rouge et Méditerranée
  • Vitesse maximale : 230 km/h dès 2026
  • Objectif fret : 15 millions de tonnes/an
  • Ambition passagers : 1,5 million/jour à horizon 2030
  • Partenaires européens pour exploitation et matériel

Le paysage égyptien est en train de changer sous nos yeux. Et avec lui, peut-être, la manière dont ses habitants se déplacent, travaillent et vivent. La Ligne verte n’est qu’un début, mais elle porte en elle l’espoir d’une connexion plus fluide, plus rapide, plus moderne.

Dans quelques années, lorsque les trains s’élanceront à travers le désert, ils emporteront bien plus que des passagers ou des containers. Ils transporteront aussi une part du destin d’un pays en pleine mutation.

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