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Le RN face au défi de rallier les intellectuels et artistes

Pour François Bousquet, l'incapacité du RN à attirer intellectuels et artistes comme l'avait fait le PCF explique en partie son plafonnement électoral. Saura-t-il relever ce défi crucial pour contourner le "barrage républicain"?

Le Rassemblement national peine, élection après élection, à dépasser un certain seuil dans les urnes. Pour le journaliste et écrivain François Bousquet, une des explications à ce plafonnement réside dans son incapacité à rallier de larges pans de la société civile et notamment les milieux intellectuels et artistiques. Un défi de taille pour le parti de Marine Le Pen s’il veut un jour accéder au pouvoir.

Les figures culturelles, grands absents du RN

Dans une récente tribune, François Bousquet soulève une interrogation aussi simple que pertinente : « Où sont les Sartre, les Aragon, les Yves Montand, les Jean Ferrat du RN ? ». Ces intellectuels et artistes engagés qui, en leur temps, avaient fait le choix de soutenir le Parti communiste français (PCF), lui apportant une caution morale et une visibilité médiatique précieuses. Un atout dont ne semble pas disposer aujourd’hui le Rassemblement national.

Certes, le contexte a changé et on imagine mal de nos jours des philosophes ou des chanteurs populaires afficher ouvertement leur proximité avec un parti souvent qualifié d’extrême droite. Il n’empêche, le contraste est saisissant entre l’aura culturelle dont bénéficiait le PCF et la quasi-absence de soutiens prestigieux dans les rangs du RN. Un vide qui pèse indéniablement sur sa crédibilité et sa capacité à élargir son audience.

Le poids du « politiquement correct »

Comment expliquer ce manque d’attractivité du RN auprès des élites culturelles ? François Bousquet y voit la conséquence d’un « système politico-médiatique » prompt à ostraciser toute personnalité qui s’aventurerait à défendre publiquement les idées du parti lepéniste. La menace d’une mise au ban immédiate, d’une atteinte irrémédiable à sa réputation, serait suffisamment dissuasive pour refroidir les plus téméraires.

À l’ère du « politiquement correct », rares sont en effet les artistes ou penseurs qui prennent le risque de sortir des sentiers battus. La peur du « qu’en dira-t-on », la crainte d’être associé à des idées réprouvées par le microcosme parisien, semblent dicter la conduite de beaucoup. Un conformisme ambiant qui profite aux idées dominantes mais laisse peu de place aux voix dissonantes.

Un frein à la « normalisation » du RN

Pour le RN, cet ostracisme des milieux culturels constitue assurément un handicap dans sa quête de respectabilité et de normalisation. Faute de relais influents dans la société civile, le parti peine à faire entendre son message au-delà de son socle électoral traditionnel. Une carence qui le fragilise face aux campagnes de diabolisation dont il fait régulièrement l’objet.

Les partis ont besoin des intellectuels pour donner corps à leurs idées, pour les incarner dans l’imaginaire collectif. Ils leurs apportent une forme de légitimité, de profondeur.

François Bousquet

Sans ce précieux vernis culturel, le RN apparaît souvent, aux yeux d’une partie de l’opinion, comme un mouvement « hors-sol », en marge des courants de pensée qui animent le débat public. Une image réductrice qui ne reflète sans doute pas la diversité de ses militants et sympathisants, mais qui continue de lui coller à la peau, entravant sa progression électorale.

Un défi d’ouverture et de dialogue

Sortir de cette forme de ghetto intellectuel apparaît donc comme un impératif stratégique pour le RN s’il veut franchir un nouveau cap. Cela passe probablement par un changement de logiciel, une volonté affichée d’ouverture et de dialogue avec toutes les sensibilités.

  • Cela implique de dépasser certains réflexes de défiance réciproque, d’aller à la rencontre de ces milieux intellectuels et artistiques, sans a priori ni volonté d’instrumentalisation.
  • Il s’agit de créer les conditions d’un échange fécond, d’une influence mutuelle, au-delà des clivages partisans.

Un pari qui peut sembler audacieux, voire illusoire au regard des fractures actuelles, mais un pari nécessaire si le RN veut s’imposer un jour comme une force politique majeure, ancrée dans le paysage culturel français. L’exemple du PCF montre qu’une telle alchimie est possible si elle repose sur un projet porteur de sens et sur une volonté partagée de faire bouger les lignes.

La balle est dans le camp du RN, mais aussi dans celui de ces fameux intellectuels et artistes, libres de choisir de rester dans une posture de surplomb moralisatrice ou de jouer pleinement leur rôle de passeurs, d’éveilleurs de conscience, au service du débat démocratique. L’avenir nous dira s’ils sauront saisir cette main tendue.

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