La nouvelle Assemblée nationale issue des dernières élections législatives a décidé d’appliquer un “cordon sanitaire” à l’encontre du Rassemblement National, en l’excluant de tous les postes clés au sein du palais Bourbon. Cette mise à l’écart systématique, qui va à l’encontre des règles et usages de la démocratie parlementaire, soulève de sérieuses questions sur le respect des principes démocratiques fondamentaux.
Le cordon sanitaire, une entorse aux règles et usages
Malgré ses 89 députés représentant plus de 10% des sièges, le Rassemblement National n’a obtenu aucun poste clé à l’Assemblée, que ce soit à la vice-présidence, à la questure, à la présidence de commission ou au sein du bureau. Pourtant, le règlement intérieur stipule clairement que ces postes doivent être répartis de manière à reproduire la configuration politique de l’Assemblée.
Au-delà de la règle, c’est un usage démocratique bien établi qui est bafoué. Le Sénat en donne un bel exemple, en ayant adapté son propre règlement pour permettre au groupe communiste de conserver son existence malgré des effectifs réduits. Un geste élégant bien loin de l’ostracisme pratiqué à l’Assemblée.
L’esprit de la démocratie parlementaire en question
Au-delà des textes, c’est l’esprit même de la démocratie parlementaire qui est mis à mal. La procédure n’est pas qu’une simple méthode, elle a une fonction politique essentielle : assurer la protection des minorités et permettre leur expression. En écartant la première force d’opposition, on porte un coup à la vitalité du débat démocratique.
Pour un démocrate, ce résultat est au minimum incompréhensible tant il méconnaît les règles, les usages, et surtout l’esprit de la démocratie parlementaire.
Nicolas-Jean Brehon, conseiller honoraire au Sénat
Les risques d’une Assemblée verrouillée
En choisissant d’exclure un groupe d’opposition pour des raisons politiques, l’Assemblée crée un précédent dangereux. Quel signal envoie-t-on aux millions d’électeurs du RN quand on dit que leurs votes ne servent à rien ? Le risque est grand de les voir se détourner du jeu démocratique, voire basculer dans des formes de contestation plus radicales.
Plutôt que d’appliquer un cordon sanitaire, la nouvelle Assemblée aurait été mieux inspirée d’appliquer les règles de représentation proportionnelle, dans l’esprit et la lettre. C’est en respectant le pluralisme et en assumant la confrontation des idées que la démocratie se renforce, pas en muselant des élus du peuple.
En conclusion, l’éviction du Rassemblement National de tous les postes clés à l’Assemblée nationale apparaît contraire aux principes démocratiques les plus élémentaires :
- Elle bafoue les règles et usages du parlementarisme
- Elle porte atteinte au pluralisme et au débat contradictoire
- Elle envoie un message délétère aux électeurs
Si l’intention est peut-être louable, la méthode s’avère dangereuse et contre-productive. À trop vouloir resserrer le “cordon sanitaire”, l’Assemblée risque de se retrouver à court d’oxygène démocratique.