Le burn-out guette dans l’ombre des podiums et des maillots distinctifs. C’est la face cachée du cyclisme professionnel, où la quête de performance peut consumer jusqu’à la santé mentale des athlètes. Florian Sénéchal, coureur de l’équipe Arkéa-B&B Hotels, a récemment levé le voile sur sa saison cauchemardesque, frôlant dangereusement le point de rupture.
La spirale infernale des blessures et du doute
Tout a commencé par une mauvaise chute sur les routes du Het Nieuwsblad en février. Fracture de la clavicule, trois semaines de convalescence à peine avant de rechuter sur la même blessure. « Ç’a été le début de la galère. À partir de là, j’ai totalement perdu confiance en moi », confie le coureur au journal Le Télégramme. Cette perte de repères s’est muée en véritable phobie, Sénéchal n’osait même plus se frotter au peloton.
Je ne savais plus courir, plus faire de vélo.
Florian Sénéchal, coureur d’Arkéa-B&B Hotels
Un cercle vicieux physique et psychologique qui s’est encore aggravé par des drames personnels, comme la perte de son grand-père. Les nuits blanches d’insomnies ont laissé place à des idées noires. « Je me disais que j’allais arrêter ma carrière, que c’était la fin, que mon corps disait stop. » À 31 ans, le Nordiste s’est retrouvé au bord du gouffre.
Urgence d’un meilleur accompagnement psychologique
Sénéchal a pu compter sur le soutien crucial de ses proches et de son équipe pour éviter de sombrer. Mais tous les coureurs n’ont pas cette chance. Dans un milieu qui cultive souvent une image de dur au mal, avouer sa souffrance reste tabou. Pourtant, la détresse psychologique est une réalité pour de nombreux athlètes soumis à une pression extrême.
Le cyclisme de haut niveau, c’est enchaîner les objectifs, les sacrifices, avec la hantise permanente de la blessure ou de la méforme. La moindre défaillance peut faire basculer de héros à zéro. Cette épée de Damoclès génère un stress difficilement soutenable sur la durée, d’autant que la fenêtre de performance d’une carrière est réduite.
Il est urgent que le suivi psychologique des coureurs devienne une priorité et non une option. Au même titre que la préparation physique.
Un ancien manager d’équipe cycliste
Repenser les équilibres d’une carrière
Plus largement, c’est toute l’approche de la performance qui mériterait d’être requestionnée. La réussite sur le long terme ne peut faire l’économie du bien-être mental et d’une vie personnelle épanouie. Trouver des espaces de respiration, savoir déconnecter sont des compétences aussi cruciales que le coup de pédale.
Certains champions l’ont bien compris, à l’image d’un Thibaut Pinot qui n’hésite pas à lever le pied quand le plaisir n’est plus là. Ou d’un Romain Bardet qui a fait de l’équilibre de vie sa priorité. Leur longévité au plus haut niveau est sans doute liée à cette capacité de recul, à contre-courant d’une culture de la performance à tout prix.
La résilience comme moteur
Pour Florian Sénéchal, cette saison noir aura paradoxalement été l’occasion de se découvrir une force mentale insoupçonnée. « Je n’ai jamais perdu la motivation, l’envie de m’entraîner », assure celui qui a terminé la saison sur de bonnes sensations malgré les résultats en demi-teinte.
Loin d’être anéanti, il se projette combatif vers 2025 : « Je serai revanchard, le compteur est remis à zéro. » Une mentalité de phénix qui force l’admiration. Et si la résilience était finalement la plus grande qualité d’un champion ? Se relever encore quand on a touché le fond, l’ultime braquet pour repousser ses limites.
Le vécu de Sénéchal est un signal d’alarme sur la face sombre du sport de haut niveau. Mais c’est aussi un formidable message d’espoir. Oui, les blessures physiques et mentales font partie du métier. Mais avec le soutien et les ressources adéquates, il est possible de rebondir. La carrière d’un cycliste est faite de hauts et de bas vertigineux. L’essentiel est peut-être d’apprendre à ne jamais désespérer dans les vallées sombres. Car au détour d’un virage, la lumière peut rejaillir plus vive.