Dans un monde de plus en plus interconnecté, l’aviation civile se retrouve confrontée à des défis géopolitiques grandissants. Alors que la sûreté est la clé de voûte de ce secteur, naviguer entre zones interdites, tirs de missiles et balles perdues devient un véritable casse-tête pour les compagnies aériennes. Face à l’extension des zones d’hostilités, planifier des liaisons long-courrier n’a jamais été aussi complexe.
Un contexte international sous haute tension
Si les avions de ligne ont toujours été exposés à certains risques, comme les détournements ou les attentats à la bombe, la situation actuelle atteint un degré de complexité sans précédent selon les professionnels du secteur. Les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient, ainsi que l’instabilité politique en Afrique sahélienne, créent de vastes zones de non-droit où la sécurité des vols civils n’est plus garantie.
L’Association internationale du transport aérien (IATA) a récemment tiré la sonnette d’alarme, appelant les belligérants à épargner les avions civils même au plus fort des hostilités. Un appel qui témoigne de l’aggravation des risques pour l’aviation commerciale.
Fermetures d’espaces aériens et détours contraints
Chaque pays est souverain pour décider de fermer tout ou partie de son espace aérien. En réaction à l’invasion de l’Ukraine, la Russie a ainsi interdit le survol de son immense territoire aux avions européens et américains. Une décision lourde de conséquences pour les liaisons entre l’Europe et l’Asie, contraintes d’emprunter des routes alternatives plus longues et coûteuses.
« On a déjà connu des restrictions, mais là on est cernés. Tout ce que je ne peux pas survoler, ça représente une part assez conséquente du territoire mondial »
témoigne un pilote de ligne expérimenté
Pour rallier l’Asie, les avions doivent désormais slalomer entre les zones interdites, passant par de véritables goulots d’étranglement comme l’espace aérien de l’Azerbaïdjan, coincé entre la Russie et l’Iran. Un autre point de passage délicat est l’Irak, dont le survol à basse altitude présente des risques élevés en raison de la présence d’armements anti-aériens et de frappes impromptues.
Une concurrence internationale faussée
Si les compagnies occidentales doivent composer avec ces restrictions, ce n’est pas le cas de tous leurs concurrents. Les transporteurs de certains pays comme la Chine ou la Turquie, non concernés par les représailles russes, continuent de survoler l’Iran et d’autres zones à risque. Un avantage compétitif non négligeable face aux opérateurs soumis à des contraintes plus strictes.
Vers une meilleure gestion des risques
Pour aider les compagnies aériennes à naviguer dans ce contexte périlleux, les autorités de l’aviation civile renforcent leurs dispositifs d’analyse des menaces. En France, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) s’appuie sur un pôle dédié travaillant en lien avec les services de renseignement et l’armée de l’Air.
L’objectif est de fournir une évaluation fine des risques pour chaque zone survolée et d’édicter des consignes adaptées : interdiction totale, partielle ou en fonction de l’altitude. Un exercice d’équilibriste de plus en plus ardu au vu de la multiplication des conflits.
« Notre métier devient plus compliqué en fonction de la multiplicité des conflits »
concède une haute responsable de la DGAC
La destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines au-dessus de l’Ukraine en 2014, abattu par un missile sol-air, a créé un électrochoc. Cet événement tragique a poussé le secteur à renforcer la coopération internationale pour mieux évaluer et prévenir de tels risques.
Un impact sur les voyageurs
Si ces enjeux géopolitiques semblent lointains pour les passagers, ils ont pourtant un impact direct sur leurs déplacements. Allongement des temps de vol, augmentation du prix des billets liée au surcoût du carburant, réduction des destinations desservies… Les répercussions sont multiples pour les voyageurs.
Dans ce contexte tendu, la sécurité reste plus que jamais la priorité absolue. Même si cela implique certaines contraintes, pouvoir voyager en toute sérénité n’a pas de prix. Un défi de taille pour une aviation civile ballottée au gré des vents contraires de la géopolitique mondiale.