Une épée de Damoclès plane sur l’avenir politique de plusieurs cadres du Rassemblement national. Le procès des assistants parlementaires du parti, auparavant nommé Front national, pourrait en effet paralyser durablement certaines de ses figures de proue, à commencer par sa présidente Marine Le Pen. En cause : de lourdes réquisitions du parquet, assorties d’une demande d’exécution provisoire des peines.
L’exécution provisoire, un verrou judiciaire
Peu connue du grand public, l’exécution provisoire est une disposition redoutable en matière pénale. Lorsqu’elle est prononcée, elle rend la peine applicable immédiatement, même si la personne condamnée fait appel du jugement. Dans le cas d’une peine d’inéligibilité, ses effets sont donc immédiats et bloquent de facto toute participation à une élection, et ce potentiellement jusqu’à ce que l’appel soit jugé, ce qui peut prendre plusieurs années.
L’exécution provisoire verrouille en amont toute élection à venir.
Un professeur de droit pénal
Des réquisitions maximales
Or dans le procès des assistants parlementaires du RN, le parquet n’y est pas allé de main morte. Il a requis jusqu’à 5 ans de prison avec sursis et surtout 10 ans d’inéligibilité contre Marine Le Pen et plusieurs cadres du parti, le tout assorti d’une demande d’exécution provisoire. Si le tribunal suit ces réquisitions, cela signifie que ces peines s’appliqueraient dès le jugement, même en cas d’appel.
Un timing serré
Le jugement est attendu le 8 novembre prochain, soit à peine 18 mois avant les prochaines élections présidentielle et législatives de 2027. Un timing serré qui placerait le RN dans une situation délicate si ses principaux cadres venaient à être déclarés inéligibles. Le parti serait alors privé de ses figures de proue pour ces échéances cruciales.
Des enjeux politiques majeurs
Cette menace judiciaire intervient alors que le RN est en pleine dynamique politique. Fort de ses 89 députés, il constitue désormais la première force d’opposition à l’Assemblée nationale. Marine Le Pen, qui a réalisé un score historique de 41,5% au second tour de la présidentielle, apparaît plus que jamais comme la principale rivale d’Emmanuel Macron.
Une mise à l’écart de la vie politique de ses principaux dirigeants serait donc un coup dur pour le parti à la flamme. Elle remettrait en cause sa stratégie de normalisation et de conquête du pouvoir engagée depuis plusieurs années.
Un rapport de force inversé
Plus largement, ce procès met en lumière le rapport de force qui s’est inversé entre le monde judiciaire et la sphère politique ces dernières décennies. Longtemps sous tutelle du pouvoir politique, la justice s’est progressivement émancipée et n’hésite plus aujourd’hui à s’attaquer à des responsables politiques de premier plan, y compris lorsqu’ils bénéficient d’une forte légitimité électorale.
Est-ce le gouvernement des juges ?
Un observateur politique
Cette évolution soulève la question des limites du pouvoir judiciaire et de son articulation avec le suffrage universel. Jusqu’où la justice peut-elle aller pour sanctionner des comportements qu’elle juge répréhensibles, au risque de priver les électeurs de leur libre-choix ? Le débat est ouvert.
Un parti sous pression
En attendant, c’est un véritable compte à rebours qui s’est enclenché pour le Rassemblement national. À 18 mois des prochaines échéances électorales, le parti est suspendu à la décision que rendra le tribunal le 8 novembre prochain. Une épée de Damoclès judiciaire qui assombrit sérieusement son horizon politique.