Des images satellites saisissantes. Des flammes gigantesques dévorant la toundra à perte de vue. Des panaches de fumée obscurcissant le ciel polaire. Depuis quelques semaines, l’Arctique est en proie à des incendies d’une ampleur et d’une intensité sans précédent, qui soulèvent l’inquiétude des scientifiques. Car au-delà de leur impact immédiat, ces mégafeux risquent bien d’accélérer dangereusement le réchauffement climatique à l’échelle planétaire.
Un phénomène exceptionnel et préoccupant
Selon les données du service européen Copernicus, les feux de végétation arctiques ont d’ores et déjà émis en juin 6,8 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Un chiffre alarmant qui place ce mois parmi les pires des deux dernières décennies en termes d’émissions, juste derrière les saisons catastrophiques de 2019 et 2020. La république russe de Sakha, dans le nord-est sibérien, concentre l’essentiel de l’activité des flammes.
Si les incendies font partie du cycle naturel des écosystèmes boréaux, leur multiplication et leur intensification sont le signe indubitable d’un dérèglement climatique qui s’emballe. Car l’Arctique se réchauffe bien plus vite que le reste du globe, avec des températures grimpant jusqu’à 4 fois la moyenne mondiale.
L’Arctique, épicentre du réchauffement
Ce phénomène d’amplification arctique s’explique par différents mécanismes de rétroaction positive. Avec la fonte de la banquise et du pergélisol, les surfaces réfléchissantes disparaissent au profit d’étendues plus sombres qui absorbent davantage la chaleur solaire. La libération de CO2 et de méthane jusque-là emprisonnés dans les sols gelés vient encore aggraver le réchauffement.
L’Arctique est l’épicentre du changement climatique et les feux de végétation en hausse en Sibérie sont un avertissement clair sur le fait que ce système essentiel s’approche de points de bascule dangereux.
Gail Whiteman, professeur à l’université d’Exeter
Si rien n’est fait pour enrayer cette spirale infernale, les conséquences pourraient être dramatiques non seulement pour la région mais pour la planète entière. Outre les dégâts environnementaux irréversibles, la fonte du pergélisol menace de relâcher dans l’atmosphère des quantités faramineuses de gaz à effet de serre, propulsant le climat vers un emballement incontrôlable.
Un cercle vicieux alimenté par les feux
Dans ce contexte déjà critique, la recrudescence des incendies arctiques apparaît comme une bombe à retardement climatique. En plus de relâcher massivement du CO2, les flammes et les fumées accélèrent la fonte en noircissant la surface neigeuse et en y déposant de la suie. Un cercle vicieux particulièrement préoccupant.
Si certains feux sont d’origine naturelle (foudre), une part croissante serait due aux activités humaines qui gagnent du terrain dans l’Arctique avec le recul des glaces : industries extractives, transport maritime, tourisme… Les changements d’usage des terres et la gestion des forêts sont aussi pointés du doigt.
Un signal d’alarme pour l’humanité
Plus qu’un énième symptôme du réchauffement climatique, les mégafeux arctiques sont un véritable signal d’alarme. Ils nous montrent que même les régions les plus reculées et les écosystèmes les plus résilients sont en train de basculer sous l’effet de la pression humaine. Et que les points de basculement tant redoutés, capables d’emporter le système climatique vers un état inconnu, sont peut-être plus proches qu’on ne le pense.
Face à cette menace existentielle, une réaction forte et rapide s’impose. Cela passe par une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement, combinée à des efforts pour protéger et restaurer les écosystèmes fragilisés. Dans l’Arctique comme ailleurs, il y a urgence à agir avant qu’il ne soit trop tard. Car ce qui se passe dans cette région lointaine nous concerne tous.