Dans les campagnes américaines, une menace plane sur un pilier essentiel mais paradoxal de l’agriculture du pays : les travailleurs immigrés sans-papiers. Alors que Donald Trump promet d’expulser des millions de clandestins s’il revient au pouvoir, les agriculteurs s’alarment des conséquences potentiellement dévastatrices pour la production alimentaire nationale.
Une main d’œuvre indispensable mais indésirable
Comme le souligne Joe Del Bosque, agriculteur californien de 75 ans, l’Amérique a un rapport ambigu avec les travailleurs immigrés : « Quand ils ont besoin d’eux dans les champs, ils les accueillent, et quand ils n’en ont plus besoin, ils les mettent à la porte. » Pourtant, sur les 2,4 millions d’employés agricoles du pays, 44% seraient sans-papiers selon une enquête officielle.
Des zones rurales pro-Trump mais dépendantes des immigrés
Paradoxalement, beaucoup de ces régions agricoles ont voté en faveur de Donald Trump en 2020, malgré ses promesses d’expulsions massives. Un voisin de M. Del Bosque affiche même fièrement un panneau « Trump 2024 ». Mais les fermiers savent que sans cette main d’œuvre, leur activité pourrait s’arrêter du jour au lendemain.
Actuellement, le pays ne sait pas qu’il a besoin de certains de ces travailleurs.
Joe Del Bosque, agriculteur californien
La sécurité alimentaire en jeu
En cas d’expulsions massives, de nombreux économistes alertent sur un risque de perturbation rapide de la production agricole américaine et de flambée des prix alimentaires. Dans l’Idaho, les éleveurs laitiers estiment que quelques jours d’interruption sans leurs employés sans-papiers causeraient des « dommages irréparables » à la filière dans tout le pays.
Selon le Pr David Ortega de l’université du Michigan, les clandestins « remplissent des fonctions essentielles que de nombreux Américains ne peuvent pas ou ne veulent pas faire », bravant des conditions extrêmes dans les champs, avec des températures dépassant 40°C en Californie l’été.
Un discours politique en décalage avec la réalité
Durant sa campagne, Donald Trump a ignoré cette réalité, préférant accuser les immigrés de « voler » le travail des Américains et d’alimenter une vague de criminalité, sans aucune preuve statistique. Certains agriculteurs, conscients de leur importance stratégique, ne croient pas aux menaces : « Ceux au pouvoir savent qu’ils ne vont pas faire de descente dans l’agriculture », estime Tom Barcellos, éleveur californien de 69 ans.
Un besoin urgent de réforme migratoire
Face à ces enjeux cruciaux, beaucoup appellent à dépasser les postures politiques pour réformer enfin le système migratoire. Rick Naerebout, de l’association des producteurs laitiers de l’Idaho, dénonce « 20 ans de frustration » et d’inaction des deux partis sur ce dossier. Pour Joe Del Bosque, dont de nombreux employés peinent à obtenir une régularisation, les Américains doivent comprendre la nécessité d’une « main d’œuvre fiable » pour assurer leur sécurité alimentaire :
Si les Américains veulent des fruits et légumes frais sur leurs tables, ils doivent réaliser que nous avons besoin de ces travailleurs pour garantir l’approvisionnement du pays.
Joe Del Bosque
Alors que l’ombre de Donald Trump plane à nouveau sur la présidentielle de 2024, l’avenir de l’agriculture américaine et de ses travailleurs sans-papiers reste plus que jamais en suspens. Les prochains mois diront si la raison économique primera sur la rhétorique anti-immigration, pour le bien de la sécurité alimentaire du pays.