Imaginez un monde où les berceuses sont remplacées par le son des notifications, où les premiers mots prononcés sont “smartphone” et “tablette”. Bienvenue dans la réalité alarmante de nombreux foyers, où les écrans sont devenus les nouveaux “doudous” des tout-petits. Face à ce fléau moderne, des professionnels de santé tirent la sonnette d’alarme et tentent d’endiguer cette vague d’addiction précoce qui menace le développement de nos enfants.
Le docteur Sylvie Dieu-Osika, pédiatre en première ligne
À l’hôpital Jean Verdier de Bondy, en Seine-Saint-Denis, le docteur Sylvie Dieu-Osika mène un combat de tous les instants contre la surexposition des jeunes enfants aux écrans. Depuis 2019, cette pédiatre engagée reçoit chaque semaine une dizaine de bambins âgés de quelques mois à 4 ans, suspectés de souffrir de retards de développement liés à une consommation excessive de contenus numériques.
En 38 années d’exercice, j’ai constaté un glissement progressif : des écrans de plus en plus présents et des enfants moins éveillés.
– Dr Sylvie Dieu-Osika, pédiatre à l’hôpital Jean Verdier de Bondy
Des chiffres qui donnent le vertige : 8 heures d’écrans par jour dès la naissance, 5 heures quotidiennes à partir d’un mois, 6 heures depuis l’âge d’un an… Autant de cas désarmants auxquels le docteur Dieu-Osika est confrontée dans sa pratique. Et les conséquences sont désastreuses : troubles du langage, du comportement, retards psychomoteurs… L’addiction aux écrans laisse des séquelles profondes chez ces tout-petits privés d’interactions essentielles à leur développement.
Un constat alarmant, une prise de conscience nécessaire
Selon une étude française de l’Institut national d’études démographiques (Ined), seul un parent sur sept respecterait la recommandation de ne pas exposer les enfants en bas âge aux écrans. Un chiffre inquiétant qui traduit l’ampleur du phénomène et la nécessité d’une prise de conscience collective.
Comment peut-on croire que les smartphones n’ont pas d’effet sur nos enfants ?
– Dr Sylvie Dieu-Osika
Dès 2017, le docteur Dieu-Osika avait tenté d’alerter les pouvoirs publics sur les dangers de l’usage sans limite des écrans pour le cerveau des plus jeunes. En vain. Face à l’inertie des autorités, cette pédiatre engagée a décidé d’agir à son échelle, en accompagnant les familles dans le sevrage numérique de leurs bambins.
Luckson et Akram, deux destins bouleversés par les écrans
Luckson, 2 ans, et Akram, 4 ans, font partie des jeunes patients suivis par le docteur Dieu-Osika. Chez eux, la télévision et le smartphone étaient omniprésents, jour et nuit, jusqu’à provoquer des troubles du développement préoccupants. Grâce à l’accompagnement de la pédiatre, ces deux enfants ont peu à peu retrouvé le chemin des apprentissages, loin des écrans envahissants.
Leur parcours, filmé pendant 8 mois par les équipes du Figaro, illustre le combat quotidien mené par le docteur Dieu-Osika et son équipe pour réparer les dégâts causés par la surexposition au numérique. Un travail de longue haleine qui nécessite patience, pédagogie et une collaboration étroite avec les familles.
Vers une prise en charge spécifique des “accros” aux écrans ?
Face à l’ampleur du phénomène, la question d’une prise en charge spécifique des jeunes “accros” aux écrans se pose. Si des initiatives isolées comme celle du docteur Dieu-Osika existent, elles restent marginales et peinent à répondre à l’urgence de la situation.
Il est grand temps que les pouvoirs publics prennent la mesure de ce fléau moderne et mettent en place des politiques de prévention et d’accompagnement à la hauteur des enjeux. Car c’est bien l’avenir de toute une génération qui se joue derrière ces écrans omniprésents et chronophages.
En attendant, le combat du docteur Dieu-Osika et de ses confrères se poursuit, avec l’espoir de voir émerger une prise de conscience collective et des solutions concrètes pour protéger nos enfants des méfaits de la surexposition aux écrans. Un défi majeur pour notre société connectée, où le virtuel ne doit pas prendre le pas sur l’essentiel : le développement harmonieux de nos tout-petits.