Alors que la Turquie héberge actuellement près de 3 millions de réfugiés syriens sur son sol, les autorités turques anticipent une importante vague de retours vers la Syrie si la situation venait à se stabiliser durablement dans le nord du pays, en particulier dans la ville stratégique d’Alep récemment reprise par les forces rebelles au régime de Damas.
42% des réfugiés syriens en Turquie originaires d’Alep
D’après le ministre turc de l’Intérieur Ali Yerlikaya, pas moins de 42% des Syriens ayant trouvé refuge en Turquie, soit environ 1,25 million de personnes, sont originaires de la région d’Alep. « Nous savons que les Aleppins aiment beaucoup leur ville. Lorsque nous les rencontrons, ils expriment un enthousiasme extrême à l’idée d’y retourner », a-t-il déclaré.
Toutefois, le ministre a appelé à la patience, jugeant que les conditions de sécurité ne sont pas encore réunies : « À ceux qui disent vouloir rentrer maintenant, nous leur disons d’attendre encore un peu, car la situation n’est pas totalement sûre pour le moment« , a-t-il souligné, tout en prédisant un « fort intérêt » pour Alep lorsque la paix sera revenue.
La question sensible du retour des réfugiés
En Turquie, la question du retour des réfugiés syriens est un sujet brûlant, réclamé par une partie de l’opposition et de la population. Ce thème avait d’ailleurs fortement agité la campagne de l’élection présidentielle turque au printemps 2023.
Selon les statistiques officielles, les provinces turques frontalières de la Syrie (Gaziantep, Sanliurfa et Hatay) accueillent à elles seules près de 880 000 réfugiés syriens. La mégalopole d’Istanbul en héberge quant à elle plus de 500 000.
110 000 retours en 2023, mais des doutes persistent
Si les autorités turques affirment que plus de 110 000 Syriens sont rentrés dans leur pays depuis le début de l’année 2023, notamment dans les zones du nord de la Syrie contrôlées par l’armée turque, des experts émettent des doutes sur l’ampleur réelle de ce mouvement.
C’est l’hiver, donc les gens ne voudront pas retourner ces trois ou quatre prochains mois dans des maisons détruites, sans emploi ni systèmes d’éducation et de santé.
Un travailleur humanitaire basé en Turquie
Pour ce dernier, s’exprimant sous couvert d’anonymat, il est probable que certains réfugiés fassent le voyage jusqu’à Alep depuis la Turquie pour évaluer la situation sur place, mais un retour massif et durable est peu envisageable à court terme.
Une génération née ou ayant grandi en exil
Un autre facteur complique la perspective d’un retour généralisé : parmi les 3 millions de Syriens vivant en Turquie, 1,5 million ont moins de 18 ans. Cette jeune génération, née ou ayant grandi en exil, a reçu tout ou partie de son éducation sur le sol turc.
Selon la même source humanitaire, l’ampleur des retours dépendra grandement de la capacité des forces rebelles à consolider leurs gains territoriaux dans le nord de la Syrie et à y ramener des conditions de vie décentes et sûres. Un défi de taille après plus de dix années d’une guerre dévastatrice.