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La Maison Bleue Redevient Résidence Présidentielle

Après la tentative de loi martiale et la destitution de Yoon Suk Yeol, le nouveau président Lee Jae-myung annonce son retour à la Maison Bleue. Mais pourquoi ce bâtiment aux 150 000 tuiles bleues fascine-t-il autant les Coréens ? La réponse va vous surprendre…

Imaginez un palais aux tuiles bleues qui semble flotter au-dessus de Séoul, entouré de montagnes et chargé d’histoire. Pendant plus de soixante-dix ans, il a été le cœur du pouvoir sud-coréen. Puis, brutalement, un président l’a abandonné, le jugeant trop « impérial ». Aujourd’hui, moins de quatre ans plus tard, son successeur y revient en grande pompe. Ce n’est pas qu’une question de déménagement : c’est un symbole fort qui clôt une des pages les plus chaotiques de l’histoire récente du pays.

Le grand retour à Cheongwadae

Le processus a commencé discrètement un lundi de décembre. Des camions aux vitres teintées, des agents en civil, des cartons estampillés du sceau présidentiel : la présidence sud-coréenne quitte l’ancien ministère de la Défense pour retrouver la Maison Bleue, officiellement appelée Cheongwadae. Le transfert doit être achevé avant Noël, a confirmé l’équipe du président Lee Jae-myung.

Ce retour n’est pas anodin. Il marque la fin symbolique d’une parenthèse ouverte en 2022 par Yoon Suk Yeol, destitué quelques mois plus tôt après sa tentative avortée d’imposer la loi martiale. En quittant Cheongwadae, Yoon avait voulu briser l’image d’une « présidence impériale ». Ironie du sort : c’est précisément cette image qu’il a fini par incarner aux yeux de millions de Sud-Coréens.

Pourquoi Yoon avait-il fui la Maison Bleue ?

Dès son arrivée au pouvoir en mai 2022, Yoon Suk Yeol avait pris tout le monde de court. Au lieu de s’installer dans la résidence historique, il avait choisi le bâtiment austère de l’ex-ministère de la Défense, situé en plein centre de Séoul. Officiellement, il voulait se rapprocher du peuple et rompre avec les fastes du passé.

Mais dans les couloirs du pouvoir, une autre explication circulait : le feng shui. Selon certaines croyances populaires, l’énergie de Cheongwadae serait néfaste. Trop de présidents y ont connu des fins tragiques : assassinat pour Park Chung-hee, suicide pour Roh Moo-hyun, prison pour Park Geun-hye et Lee Myung-bak… Yoon, superstitieux ou simplement prudent, préférait ne pas tenter le diable.

« Je ne veux pas d’une présidence impériale »

Yoon Suk Yeol, le jour de son installation au ministère de la Défense

Le résultat ? Cheongwadae a été ouvert au public. En quelques mois, des millions de visiteurs ont déferlé pour photographier les jardins, les salles de réception et surtout les fameuses 150 000 tuiles bleues peintes à la main. Un succès touristique inattendu qui a transformé le lieu en parc d’attractions présidentiel.

Lee Jae-myung : « La Maison Bleue est plus sûre »

Le nouveau président voit les choses autrement. Pour Lee Jae-myung, l’ancien QG de Yoon présentait de sérieux problèmes de sécurité. Des risques d’écoutes téléphoniques, une exposition trop grande en plein centre-ville… À l’inverse, Cheongwadae, isolée au pied du mont Bugaksan, offre une intimité bienvenue.

Mais au-delà des arguments pratiques, c’est une promesse de campagne que Lee honore. Durant l’élection anticipée de juin, il avait insisté : revenir à la Maison Bleue, c’était restaurer la dignité de la fonction présidentielle après les dérives autoritaires de son prédécesseur.

Et le feng shui ? Lee Jae-myung balaie la question d’un revers de main. Pour lui, les malheurs des anciens locataires tenaient plus à leurs choix politiques qu’à l’orientation des tuiles.

Un bâtiment chargé d’histoire et de légendes

Construite en 1939 sous l’occupation japonaise, la résidence a d’abord servi de siège au gouverneur général. Après la libération en 1945, elle devient la maison des présidents sud-coréens. Son nom officiel, Cheongwadae, signifie littéralement « la maison aux tuiles bleues ». Ces tuiles, fabriquées à la main, symbolisent l’harmonie avec le ciel.

Le lieu a vu défiler les plus grands : Kennedy, Nixon, la reine Elizabeth II… Et même Kim Yo-jong, la sœur de Kim Jong-un, venue en 2018 lors de la brève détente intercoréenne. Chaque visite était un événement planétaire.

Le saviez-vous ? Pendant les Jeux olympiques d’hiver de 2018, la délégation nord-coréenne a été reçue à Cheongwadae. Les images de Kim Yo-jong saluant Moon Jae-in sous les tuiles bleues ont fait le tour du monde.

Que va devenir l’ancien ministère de la Défense ?

Le bâtiment qui a accueilli Yoon Suk Yeol pendant deux ans et demi va retrouver sa vocation initiale. Le ministère de la Défense devrait y réinstaller ses bureaux principaux. Quant à la Maison Bleue, elle redeviendra ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : le cœur battant de la présidence sud-coréenne.

Les travaux de réaménagement ont déjà commencé. Les systèmes de communication ultra-sécurisés sont testés, les appartements privés remis à neuf, les jardins préparés pour les futures réceptions d’État. Tout doit être prêt pour que Lee Jae-myung passe sa première nuit sous les tuiles bleues avant la fin de l’année.

Un symbole plus fort que jamais

Ce retour à Cheongwadae dépasse largement la question immobilière. Dans un pays où les symboles comptent énormément, il marque la volonté de tourner la page d’une crise institutionnelle sans précédent. La tentative de loi martiale de décembre 2024 avait choqué la population et entraîné la destitution express de Yoon Suk Yeol.

Au-delà des aspects politiques, c’est aussi une forme de réconciliation avec l’histoire. La Maison Bleue, malgré ses fantômes, reste un joyau du patrimoine national. La rouvrir au pouvoir, c’est affirmer que la démocratie sud-coréenne a survécu à ses démons.

Et qui sait ? Peut-être que sous les tuiles bleues, Lee Jae-myung écrira une page plus apaisée de l’histoire coréenne. L’énergie, dit-on, dépend surtout de ceux qui l’habitent.

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