Alors que les projets d’installations solaires se multiplient pour augmenter l’autonomie énergétique, la justice vient de mettre un coup d’arrêt à un projet controversé en Gironde. La cour administrative d’appel de Bordeaux a en effet confirmé le refus de la préfecture d’autoriser le défrichement de 50 hectares de forêt sur la commune de Saint-Jean-d’Illac, en vue d’y implanter une centrale photovoltaïque.
Un avis défavorable du SDIS sur le risque incendie
En octobre 2022, le préfet avait refusé de délivrer une autorisation de défricher et un permis de construire pour ce projet porté par l’entreprise Valorem. La société a déposé un recours, rejeté le 4 juin par la cour administrative d’appel. Celle-ci a notamment fondé sa décision sur l’avis défavorable émis par le Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS), le terrain étant situé en zone d’aléa fort pour le risque de feu de forêt.
L’avis du SDIS insiste en particulier sur l’absence de subdivisions du site en îlots et de desserte interne au projet
Cour administrative d’appel de Bordeaux
De plus, le terrain n’est accessible que par une piste forestière et est traversé par un pipeline, avec une station de pompage à proximité, ce qui laisserait “présager des difficultés en cas d’incendie” selon la cour.
Un projet néfaste pour la biodiversité
Au-delà du risque incendie, c’est l’atteinte à l’équilibre biologique du territoire qui a motivé le refus du préfet, confirmé par la cour d’appel. Le défrichement aurait en effet eu d’importants impacts :
- Sur plusieurs espèces d’oiseaux protégées
- Sur certaines espèces d’insectes et de chauves-souris
- Sur des zones humides et des habitats d’espèces protégées
Selon l’avis de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale, la localisation du projet n’était pas satisfaisante au regard de ces enjeux de préservation de la biodiversité.
Concilier transition énergétique et protection de l’environnement
Ce projet avorté illustre toute la difficulté à concilier le nécessaire développement des énergies renouvelables et la protection de l’environnement. Si l’énergie solaire représente une alternative intéressante aux énergies fossiles, fortement émettrices de gaz à effet de serre, son déploiement ne doit pas se faire au détriment des écosystèmes.
Selon le GIEC, les émissions mondiales de GES doivent être réduites de 43% d’ici 2030 pour limiter le réchauffement à +1,5°C
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
En France, si les émissions de CO2 liées à la production d’énergie tendent à baisser grâce aux énergies renouvelables, certains secteurs comme les transports ou le bâtiment restent encore très dépendants des énergies fossiles. La transition énergétique doit donc s’accélérer, mais en veillant à préserver les espaces naturels.
Privilégier les surfaces déjà artificialisées
Pour développer le photovoltaïque de façon durable, il convient de privilégier autant que possible l’installation de panneaux solaires sur des surfaces déjà artificialisées :
- Toitures de bâtiments
- Parkings
- Friches industrielles
- Anciennes carrières ou décharges
C’est d’ailleurs ce qu’a fait l’entreprise Valorem sur la commune de Camiac-et-Saint-Denis, en installant en 2021 une centrale solaire sur le site d’une ancienne carrière de calcaire. Avec ses 8400 panneaux photovoltaïques sur 5,3 hectares, elle produit 5,3 GWh par an, sans impact sur les milieux naturels.
La décision de la justice sur le projet de Saint-Jean-d’Illac vient rappeler la nécessité de cette approche raisonnée. Pour réussir la transition énergétique, la solarisation doit se faire dans le respect de la biodiversité et des paysages. Un défi à relever pour atteindre la neutralité carbone sans hypothéquer notre patrimoine naturel.