En dépit d’une instabilité politique chronique qui menace la survie du gouvernement, la France parvient in extremis à éviter une sanction de l’agence de notation financière Standard & Poor’s (S&P). Vendredi, l’agence américaine a en effet maintenu inchangées la note « AA- » de la France ainsi que sa perspective stable. Cette décision, très attendue dans un contexte de crise budgétaire et politique, marque une bouffée d’oxygène pour l’exécutif.
S&P souligne les efforts du gouvernement malgré l’incertitude
Dans son communiqué, S&P met en avant les efforts du gouvernement de centre-droit pour redresser des finances publiques très dégradées. L’agence souligne le caractère « ouvert » et « diversifié » de l’économie française. Toutefois, elle n’occulte pas les risques liés à l’instabilité politique qui perdure depuis la dissolution de l’Assemblée en juin dernier.
Malgré l’incertitude politique, nous nous attendons à ce que la France se conforme – avec un délai – au cadre budgétaire européen et consolide progressivement ses finances publiques à moyen terme.
Communiqué de S&P
Le maintien de la perspective stable signifie que la note de la France ne devrait pas être modifiée dans un avenir proche. Cependant, S&P n’exclut pas un abaissement si le gouvernement échoue à réduire son important déficit public ou si la croissance économique déçoit durablement.
Le gouvernement joue sa survie
Minoritaire à l’Assemblée, l’exécutif multiplie les concessions pour tenter d’éviter une motion de censure qui pourrait intervenir dès la semaine prochaine lors du vote du budget de la Sécurité sociale. Après avoir cédé sur les retraites, les cotisations patronales ou encore une taxe sur l’électricité pour amadouer l’extrême droite, le gouvernement joue son va-tout.
Malgré ces compromis, le risque d’une censure demeure élevé alors que l’alliance des oppositions se fait de plus en plus menaçante. La cheffe de file du Rassemblement national, Marine Le Pen, ne semble pas prête à renoncer à faire tomber le gouvernement.
Une trajectoire budgétaire encore incertaine
En mai dernier, S&P avait abaissé d’un cran la note française, passant de « AA » à « AA-« , soit l’équivalent d’un 17 sur 20. De leur côté, Moody’s et Fitch avaient dégradé la perspective à négative en octobre, lançant un avertissement sans frais.
Le projet de budget initial prévoyait 60 milliards d’euros d’économies en 2025. Suite aux concessions, le Premier ministre Michel Barnier assure toutefois vouloir maintenir le déficit autour de 5% du PIB, après un dérapage attendu à 6,1% en 2024. Le retour sous les 3%, conformément aux règles européennes, est repoussé à 2029, une trajectoire avalisée par Bruxelles.
S&P estime que les mesures proposées dans le projet de loi de finances permettraient de réduire le déficit d’un peu moins d’un point de PIB. Mais l’agence alerte sur « un risque considérable que ces propositions puissent être davantage édulcorées » et souligne qu' »après 2025, la trajectoire budgétaire est incertaine ».
Des marchés financiers fébriles
L’incertitude politique qui se prolonge agite les marchés financiers. L’écart de taux (spread) entre les obligations françaises à 10 ans et celles de l’Allemagne, valeur refuge en Europe, a atteint cette semaine un plus haut depuis 2012. Pour la première fois, le taux d’emprunt de la France a même brièvement dépassé celui de la Grèce.
Cette défiance des investisseurs reflète les doutes sur la capacité du gouvernement à tenir ses engagements budgétaires. Comme le souligne un expert cité par l’AFP :
Les concessions faites aux différents camps ont de plus obscurci un peu plus une trajectoire déjà bien incertaine. Visiblement, S&P ne fait pas la même lecture que les opérateurs de marché.
Denis Ferrand, directeur général de Rexecode
Malgré un répit de courte durée, la France n’est pas à l’abri d’une sanction des agences de notation ou des marchés si la situation politique continue de se dégrader. Le gouvernement joue une partie serrée pour restaurer sa crédibilité et rassurer sur la soutenabilité de la dette publique qui culmine à 112% du PIB. Le temps presse car les prochaines semaines s’annoncent décisives.