En Corée du Sud, des centaines de partisans du président déchu Yoon Suk Yeol ont repris le slogan trumpiste « Stop au vol », persuadés que leur leader a été injustement traité suite à sa tentative ratée d’imposer la loi martiale en décembre dernier. Cette résurgence du trumpisme de l’autre côté du Pacifique soulève des inquiétudes quant à la polarisation politique croissante menaçant la démocratie sud-coréenne.
La droite dure chrétienne se mobilise pour Yoon Suk Yeol
Brandissant des drapeaux américains, les pro-Yoon, issus en grande partie de la droite dure chrétienne, campent depuis des jours devant la résidence de l’ex-président pour empêcher son arrestation. Ils estiment que Yoon, visé pour « rébellion » suite à sa tentative de décréter la loi martiale le 3 décembre, est victime d’un traitement injuste. Suspendu depuis sa destitution par les députés, il risque jusqu’à la peine de mort s’il est reconnu coupable.
Nombre de ces radicaux se sentent redevables envers les États-Unis, principal allié de la Corée du Sud face au Nord. Ils accusent l’opposition progressiste, sortie largement victorieuse des législatives d’avril, de comploter avec Pyongyang au péril du pays.
Un exemple de diffusion du trumpisme
Pour Gi-wook Shin, professeur de sociologie à Stanford, les radicaux américains et sud-coréens « partagent la même base, composée essentiellement de fondamentalistes chrétiens conservateurs ». Il y voit « un bon exemple de la diffusion du trumpisme ».
Les partisans de Yoon affirment que le slogan « Stop au vol » traduit de réelles inquiétudes sur l’intégrité du processus électoral. « Je crois dur comme fer qu’il y a eu une fraude », assure notamment une militante pro-Yoon âgée d’une quarantaine d’années.
La tentative controversée d’imposer la loi martiale
Le 3 décembre, Yoon Suk Yeol avait décrété la loi martiale en invoquant la nécessité de protéger le pays des « forces communistes nord-coréennes » et d' »éliminer les éléments hostiles à l’État ». Face à une Assemblée nationale dominée par ses opposants, l’ex-président voyait tous ses projets démolis et avait justifié sa mesure choc par l’obstruction des députés.
Mais selon un rapport du parquet, il avait balayé les réserves de plusieurs ministres ce soir-là et tenté de faire valoir que l’opposition mènerait le pays à la ruine. Depuis, l’agence chargée des enquêtes sur lui tente de l’appréhender et a demandé un nouveau mandat d’arrêt suite à l’expiration d’un premier.
Une élection présidentielle anticipée en vue ?
La Cour constitutionnelle a jusqu’à la mi-juin pour confirmer ou infirmer la destitution de Yoon Suk Yeol. Si elle valide cette décision, une élection présidentielle anticipée devra avoir lieu dans les deux mois, un scénario cauchemardesque pour les pro-Yoon qui redoutent une victoire du leader de l’opposition Lee Jae-myung.
Certains militants pro-Yoon vont jusqu’à affirmer, sans preuves, que Lee Jae-myung souhaite le retrait des troupes américaines de Corée du Sud. « Nous ne devons pas oublier la grâce que nous ont apportée les États-Unis en défendant le Sud contre le Nord communiste pendant la guerre de Corée », explique l’un d’eux pour justifier la présence de nombreux drapeaux américains dans les manifestations.
Des allégations de fraude électorale sans fondement
Depuis le coup de force de Yoon, les équipes de vérification numérique de l’AFP ont constaté une résurgence d’affirmations sans preuves autour de présumées fraudes électorales, ciblant même les législatives de 2020 remportées par l’opposition. Une action en justice contre une prétendue tricherie avait alors été rejetée, faute de preuves selon la Commission électorale nationale.
Les manifestants espèrent pouvoir influencer l’opinion contre la destitution de Yoon pour qu’il puisse revenir au pouvoir, comme Donald Trump aurait voulu le faire.
Gi-wook Shin, professeur de sociologie à Stanford
Mais pour le sociologue, « cela ne va faire qu’exacerber la polarisation politique croissante en Corée du Sud, qui représente des menaces supplémentaires pour la démocratie et l’État de droit », ainsi que des risques sociaux « importants ».
La reprise du slogan trumpiste « Stop au vol » par la droite dure sud-coréenne témoigne donc d’une diffusion inquiétante du trumpisme à l’international. Elle laisse craindre une aggravation des divisions et de la désinformation dans un pays où la démocratie paraît de plus en plus fragilisée.