Une onde de choc sans précédent secoue actuellement la Corée du Sud alors que son président déchu, Yoon Suk Yeol, est sur le point d’être arrêté. L’ex-procureur star, qui avait sidéré le pays en tentant d’imposer la loi martiale début décembre, devrait être appréhendé d’ici lundi au plus tard selon les enquêteurs chargés du dossier. Une première dans l’histoire de la nation qui retient son souffle dans l’attente du verdict de la Cour constitutionnelle.
Un coup de force qui tourne au fiasco
Le 3 décembre dernier, Yoon Suk Yeol avait stupéfié la Corée du Sud en proclamant par surprise la loi martiale et en déployant l’armée au Parlement pour tenter de le museler. Une décision radicale justifiée selon lui par la nécessité de protéger le pays des « forces communistes nord-coréennes » et d' »éliminer les éléments hostiles à l’État ». Mais face à la pression de l’Assemblée nationale et de milliers de manifestants, le président avait dû faire marche arrière quelques heures plus tard, piégé par la Constitution.
Un président bientôt derrière les barreaux ?
Depuis ce coup de force avorté, Yoon Suk Yeol est visé par plusieurs enquêtes, notamment pour « rébellion », un crime passible en théorie de la peine de mort. Assigné à résidence et interdit de quitter le territoire, il a ignoré trois convocations successives des enquêteurs. Mais malgré les tentatives de ses partisans pour entraver son arrestation, le chef du Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO) a affirmé que le mandat d’arrêt émis à son encontre serait appliqué « dans le délai » prévu, soit lundi au plus tard.
« Nous considérons les actions telles que la pose de barricades et le verrouillage des portails en fer (de la résidence de M. Yoon) pour résister à l’exécution de notre mandat d’arrêt comme une obstruction aux fonctions officielles. »
Oh Dong-woon, chef du CIO
Le sort du président suspendu à la décision de la Cour constitutionnelle
Destitué par les députés le 14 décembre, Yoon Suk Yeol reste officiellement le président titulaire en attendant que la Cour constitutionnelle confirme ou infirme la motion votée par le Parlement. L’instance suprême a jusqu’à la mi-juin pour trancher et ainsi décider de le démettre définitivement de ses fonctions ou de lui rendre le pouvoir.
Pour étudier ce dossier brûlant, deux nouveaux juges viennent d’être nommés à la Cour qui compte désormais six membres sur neuf, la majorité des deux tiers requise pour valider une destitution. Un geste attendu par l’opposition alors que la Corée du Sud traverse une crise politique inédite.
Une présidence entachée par les scandales
Depuis son élection en mars 2022, la présidence de Yoon Suk Yeol aura été jalonnée de polémiques et de scandales à répétition. Outre ses propos controversés sur les femmes et les minorités, l’ex-procureur était critiqué pour sa gestion jugée autoritaire et son entourage sulfureux. Des proches conseillers ont ainsi été éclaboussés par des affaires de corruption, fragilisant un peu plus sa légitimité.
Son coup de force du 3 décembre aura finalement précipité sa chute, alors qu’il n’aura passé que neuf mois à la tête de l’État. Une déchéance aussi rapide que spectaculaire pour celui qui incarnait l’espoir d’un renouveau démocratique après la destitution de sa prédécesseure Park Geun-hye en 2017.
Un intérim sous haute tension
En attendant la décision de la Cour constitutionnelle, c’est le ministre des Finances Choi Sang-mok qui assure l’intérim à la présidence, après que le Premier ministre Han Duck-soo a à son tour été destitué par le Parlement. Un baptême du feu pour Choi Sang-mok qui doit gérer en parallèle les retombées du pire crash aérien survenu en Corée du Sud, qui a fait 179 morts dimanche à Muan.
Un contexte particulièrement tendu alors que le pays reste profondément divisé sur le sort à réserver à son président déchu. Même cloîtré chez lui, Yoon Suk Yeol cristallise les passions entre partisans et détracteurs qui continuent de s’invectiver devant sa résidence, sous l’œil des policiers déployés pour éviter les débordements.
Alors que l’étau judiciaire se resserre autour de l’ex-procureur, la Corée du Sud retient son souffle. La décision très attendue de la Cour constitutionnelle pourrait signifier son retour ou son départ définitif du pouvoir. Mais d’ici là, les révélations de l’enquête en cours pourraient encore faire des vagues et compliquer un peu plus l’équation politique dans ce pays en plein séisme institutionnel.