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La Cedeao Approuve Un Tribunal Spécial Pour Juger Les Crimes En Gambie

La Cedeao approuve la création d'un tribunal spécial pour juger les crimes commis sous l'ex-dictateur gambien Yahya Jammeh. Une avancée majeure pour les victimes en quête de justice depuis des années. Mais l'extradition de Jammeh, exilé en Guinée équatoriale, s'annonce complexe...

Les victimes des atrocités commises en Gambie sous le règne de l’ex-dictateur Yahya Jammeh peuvent enfin espérer obtenir justice. Ce dimanche, lors d’un sommet à Abuja au Nigeria, les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont pris la décision historique d’établir un tribunal spécial pour juger les crimes perpétrés entre 1994 et 2017, période durant laquelle Yahya Jammeh dirigeait le pays d’une main de fer.

Un pas décisif vers la justice et la fin de l’impunité

Cette annonce constitue une avancée majeure pour les victimes et les défenseurs des droits humains qui réclament depuis longtemps que les responsables des graves violations commises sous le régime de Jammeh rendent des comptes. Jusqu’à présent, les rares procès liés à ces crimes se sont tenus loin de la Gambie.

Selon le ministère gambien de la Justice, la décision de la Cedeao « permet aussi l’adoption des statuts du tribunal qui garantira la justice et l’établissement des responsabilités » pour les exactions perpétrées durant les 22 années de dictature. Reed Brody, de la Commission internationale des juristes, a salué « une étape historique qui marque un pas important pour la Gambie, pour la région et pour la communauté internationale ».

Juger les auteurs de crimes contre l’humanité

Entre 1994 et 2017, le régime de Yahya Jammeh s’est rendu coupable d’innombrables atrocités, comme l’a documenté une commission « Vérité, réconciliation et réparations ». Parmi les crimes recensés : l’exécution de 240 à 250 personnes par des agents de l’État, des disparitions forcées, des viols, des actes de torture, des détentions arbitraires.

Le gouvernement gambien a accepté en 2022 de poursuivre 70 personnes, à commencer par Yahya Jammeh lui-même. Mais l’ancien dictateur s’est exilé en Guinée équatoriale en janvier 2017 après sa défaite à la présidentielle de décembre 2016 face à l’actuel président Adama Barrow. Son extradition s’annonce donc complexe en l’absence d’accord entre la Gambie et la Guinée équatoriale.

Des victimes en quête de vérité et de réparations

Au-delà de la condamnation des bourreaux, les victimes et leurs familles espèrent que ce futur tribunal leur permettra d’obtenir la vérité sur le sort de leurs proches et d’obtenir des réparations. Beaucoup attendent ce moment depuis des années et craignent de disparaître avant d’avoir pu obtenir justice, comme le souligne Reed Brody.

« Après des années de retard, cet accord pourrait enfin permettre aux victimes de Yahya Jammeh d’accéder à la justice. Le tribunal devrait maintenant être financé et mis en place rapidement, avant que d’autres survivants ne meurent. »

– Reed Brody, Commission internationale des juristes

Une transition démocratique encore fragile

Si le principe d’un tribunal spécial est acquis, de nombreux défis restent à relever. Le procès de Yahya Jammeh est loin d’être garanti étant donné sa situation en Guinée équatoriale, elle-même dirigée d’une main de fer par Teodoro Obiang Nguema Mbasogo depuis 1979. Et même exilé, l’ancien dictateur gambien continue d’avoir de l’influence dans son pays, ce qui rend la transition démocratique toujours fragile.

Le président Adama Barrow, qui s’était engagé à rendre justice aux victimes, doit désormais transformer l’essai et tout mettre en œuvre pour que le tribunal spécial soit rapidement opérationnel et dispose des moyens nécessaires pour mener à bien sa mission. C’est une étape cruciale pour tourner définitivement la page des années de plomb et construire un État de droit en Gambie.

Un signal fort pour l’Afrique et le monde

Au-delà de la Gambie, la décision de la Cedeao envoie un message important à travers le continent africain et le monde. Elle montre que même des années après les faits, les responsables de crimes graves et systématiques peuvent être traduits en justice et doivent répondre de leurs actes.

Cette annonce intervient quelques mois après les condamnations historiques de l’ex-ministre de l’Intérieur gambien Ousman Sonko en Suisse et d’un membre d’un escadron de la mort de Jammeh en Allemagne, tous deux pour crimes contre l’humanité. Des procès rendus possibles par le principe de compétence universelle qui permet de juger les auteurs des crimes les plus graves, quel que soit le lieu où ils ont été commis et la nationalité des accusés ou des victimes.

À l’heure où de nombreux pays restent réticents à l’idée de créer des mécanismes de justice transitionnelle par crainte de raviver les tensions, l’exemple gambien montre qu’il est possible et nécessaire d’affronter les pages sombres du passé pour construire des sociétés pacifiées, fondées sur la vérité, la justice et le respect des droits humains.

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