Dans l’univers des Fintech, les idées reçues ont la vie dure. On pourrait croire que la finance traditionnelle (TradFi) est ultra-centralisée, mais en réalité, le système bancaire mondial est incroyablement décentralisé, avec une myriade d’autorités et d’entités régionales qui le structurent.
Autre mythe tenace: les technologies anciennes seraient coûteuses et excluraient une partie de la population des services bancaires. Là encore, c’est faux. Les tarifs élevés ou le manque d’accès résultent souvent d’une réglementation complexe ou d’un déficit de concurrence, pas de la technologie en soi. Le traitement des transactions sur mainframe est rapide et peu onéreux, et ces fameux mainframes “legacy” ne sont vieux que de quelques années, même si leur code a parfois des décennies.
C’est pourquoi je pense depuis longtemps que les blockchains pourraient peiner à remplacer les cartes de crédit, les cartes de débit et les comptes bancaires classiques. Les technologies établies ont pour elles un excellent rendement, des coûts réduits et une large base d’utilisateurs. Mais ce qui manque cruellement à la banque et à la finance traditionnelles, c’est la concurrence extrême qui émerge du secteur blockchain.
La Blockchain, Moins Efficace mais Plus Compétitive
En théorie, les blockchains ne devraient JAMAIS être plus efficaces que les systèmes centralisés pour le traitement de transactions simples comme les paiements. Une blockchain finit par dupliquer les données de paiement sur de nombreux nœuds, là où un système centralisé ne traite qu’une fois la transaction. Le même raisonnement s’applique aux appels téléphoniques. Internet est probablement le pire moyen d’établir un appel ou une visioconférence. Les réseaux à commutation de paquets sans qualité de service (alias Internet) sont tout simplement peu fiables. La VoIP et la visio ont une qualité et une fiabilité bien inférieures aux appels traditionnels à commutation de circuits.
Pourtant, malgré les défauts inhérents à Internet, il a fini par dominer les télécoms car il est bon marché, largement accessible et les services de communication par Internet sont ultra-concurrentiels.
De même, les blockchains sont peut-être techniquement moins efficaces que le traitement centralisé des transactions, mais la concurrence féroce et l’innovation font baisser les coûts et apportent de nouvelles fonctionnalités à un rythme que les prestataires traditionnels semblent incapables de suivre.
Des Coûts de Transaction en Chute Libre
Les prix des transactions blockchain sont déjà systématiquement inférieurs à ceux des banques classiques. Des blockchains comme Solana, Aptos et plusieurs réseaux Ethereum Layer 2 font chuter les coûts par transaction bien en-deçà du centime. Selon une étude interne d’EY, si nous pouvions transférer toutes nos transactions financières internes sur la blockchain, nous économiserions plus de 100 millions de dollars par an.
Alors pourquoi les entreprises et les particuliers ne migrent-ils pas en masse leurs transactions sur la blockchain ? Ils le font, mais lentement. Tout un écosystème de services financiers émerge sur la blockchain, avec des sociétés comme Franklin, capable de gérer les paies à la fois sur et hors chaîne, à moindre coût que les prestataires traditionnels. L’inertie est encore plus forte dans le monde de l’entreprise que chez les consommateurs, et les blockchains manquent encore de fonctionnalités clés comme une solide conformité réglementaire, des analyses anti-fraude avancées et, surtout, de la confidentialité.
Des Obstacles Surmontables
Ces lacunes ne sont pas rédhibitoires, juste des obstacles. On me propose une solution de sécurité blockchain chaque semaine et de nombreuses petites banques envisagent une intégration poussée avec la finance sur chaîne comme facteur de différenciation clé. La programmabilité des blockchains permet d’ajouter facilement les fonctions manquantes, et la loi de Moore rend leur implémentation moins coûteuse chaque année.
Pour l’écosystème financier traditionnel, la prochaine décennie sera décisive pour façonner le secteur financier du prochain siècle. Les banques devraient suivre le destin des géants des télécoms avant l’explosion d’Internet et du mobile ; quasiment aucun n’a conservé sa forme ou sa structure d’origine, même si certaines marques subsistent.
Combien de temps cela prendra-t-il ? Aux États-Unis, le cycle complet de dérégulation, démantèlement des monopoles, reconfiguration et passage à Internet et au mobile s’est étalé sur 20 ans. Le compte à rebours est lancé.