En avril 2025, une décision radicale secoue la Jordanie : les Frères musulmans, mouvement influent dans le pays depuis des décennies, sont officiellement bannis. Cette mesure, annoncée par le ministre de l’Intérieur, marque un tournant dans la politique jordanienne, alors que le groupe est accusé de menacer la stabilité nationale. Mais qu’est-ce qui a poussé Amman à prendre une mesure aussi drastique ? Entre soupçons de terrorisme, fabrication d’armes et montée en puissance politique, cet article explore les coulisses de cette interdiction et ses implications.
Un Contexte Explosif en Jordanie
La Jordanie, souvent perçue comme un îlot de stabilité dans une région tourmentée, fait face à des défis croissants. Située entre des zones de conflit comme la Syrie et la Palestine, elle doit jongler avec des pressions internes et externes. Les Frères musulmans, présents dans le pays depuis les années 1940, ont longtemps joué un rôle clé dans la sphère politique et sociale. Mais leur influence, notamment à travers leur branche politique, le Front d’action islamique, a récemment suscité des inquiétudes au sein du gouvernement.
En 2020, une première alarme retentit lorsque la plus haute juridiction du pays dissout officiellement le mouvement, arguant d’un défaut de renouvellement de licence. Pourtant, les activités des Frères musulmans se poursuivent, tolérées par les autorités. Cette tolérance prend fin brutalement en avril 2025, lorsque des accusations graves viennent justifier leur interdiction totale.
Des Accusations de Terrorisme au Cœur du Scandale
Le 15 avril 2025, les services de renseignement jordaniens annoncent l’arrestation de 16 individus, dont plusieurs membres des Frères musulmans. Les chefs d’accusation sont lourds : possession d’armes, fabrication de roquettes, et plans visant à déstabiliser la sécurité nationale. Selon les autorités, ces individus préparaient des actes de sabotage, semant la peur dans un pays déjà sous tension.
« Des explosifs et des armes circulaient entre différentes villes, stockés dans des quartiers résidentiels. »
Ministre de l’Intérieur jordanien
Les Frères musulmans, de leur côté, rejettent ces accusations en bloc. Ils affirment que les actes reprochés relèvent d’initiatives individuelles, notamment en soutien à la résistance palestinienne. Cette défense ne convainc pas les autorités, qui pointent du doigt des opérations organisées, incluant des entraînements et du recrutement, tant en Jordanie qu’à l’étranger.
Fabrication d’Armes : Une Menace Concrète ?
Les autorités jordaniennes décrivent un réseau sophistiqué. Des roquettes auraient été fabriquées en périphérie d’Amman, tandis que des explosifs étaient dissimulés dans des zones résidentielles. Ces révélations choquent l’opinion publique, qui s’interroge sur l’ampleur des activités clandestines du mouvement. Mais les preuves restent floues, et certains analystes se demandent si ces accusations ne servent pas de prétexte pour justifier une répression politique.
Faits clés sur les accusations :
- 16 arrestations liées à des activités terroristes.
- Armes et roquettes découvertes dans plusieurs villes.
- Activités d’entraînement détectées à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Ces allégations, qu’elles soient fondées ou amplifiées, ont suffi à légitimer l’interdiction. Les bureaux du Front d’action islamique sont perquisitionnés, et les actifs du mouvement sont confisqués. Toute promotion de leurs idées devient passible de poursuites judiciaires.
Une Montée en Puissance Politique Inquiétante
Si les Frères musulmans sont aujourd’hui dans le viseur, c’est aussi en raison de leur influence croissante. Lors des élections de septembre 2024, le Front d’action islamique remporte 31 des 138 sièges au Parlement, devenant le premier parti d’opposition. Ce succès, dans un pays où la monarchie conserve un contrôle étroit sur la politique, a sans doute alarmé le pouvoir.
Le mouvement, qui dispose de bureaux à Amman, organise régulièrement des manifestations, notamment en solidarité avec les Palestiniens. Depuis le début de la guerre à Gaza, ces rassemblements se sont multipliés, attirant des foules importantes. Cette visibilité croissante, couplée à une rhétorique parfois provocatrice, a exacerbé les tensions avec l’État.
Un Passé de Relations Tendues
Les relations entre les Frères musulmans et l’État jordanien n’ont jamais été simples. Historiquement, le mouvement a bénéficié d’une certaine tolérance, voire d’un soutien tacite, en raison de sa capacité à canaliser les aspirations islamistes sans menacer directement la monarchie. Mais cette dynamique change en 2015, lorsque le gouvernement autorise un groupe dissident, l’Association des Frères musulmans, fragilisant l’organisation originelle.
En 2020, la dissolution officielle du mouvement, pour des raisons administratives, marque un premier coup dur. Pourtant, les Frères musulmans continuent d’opérer, profitant d’une ambiguïté juridique. Cette période de tolérance prend fin lorsque les accusations de terrorisme viennent justifier une répression totale.
Les Répercussions Régionales
La décision de la Jordanie ne peut être isolée de son contexte régional. Le pays, qui partage des frontières avec des zones de conflit, est particulièrement sensible aux dynamiques géopolitiques. Les Frères musulmans, présents dans plusieurs pays arabes, sont souvent perçus comme un vecteur d’instabilité. En Égypte, par exemple, ils sont interdits depuis 2013, après avoir été accusés de soutenir des activités terroristes.
En Jordanie, la proximité du conflit à Gaza joue un rôle clé. Les manifestations pro-palestiniennes, souvent organisées par les Frères musulmans, mettent le gouvernement dans une position délicate. Soutenir la cause palestinienne est populaire, mais tolérer un mouvement accusé de déstabilisation devient politiquement risqué.
Pays | Statut des Frères musulmans |
---|---|
Jordanie | Interdits (2025) |
Égypte | Interdits (2013) |
Tunisie | Légalisés, mais sous surveillance |
Vers une Radicalisation ou un Apaisement ?
L’interdiction des Frères musulmans soulève une question cruciale : quelles seront les conséquences à long terme ? D’un côté, les autorités espèrent neutraliser une menace potentielle et renforcer la sécurité nationale. De l’autre, cette répression pourrait radicaliser certains membres ou sympathisants, alimentant un cycle de tensions.
Les observateurs s’interrogent également sur l’avenir du Front d’action islamique. Bien que l’interdiction ne mentionne pas explicitement ce parti, les restrictions imposées aux Frères musulmans pourraient affecter ses activités parlementaires. Une suspension des députés affiliés au mouvement, comme réclamée par certains parlementaires, serait un coup dur pour l’opposition.
Un Équilibre Précaire
La Jordanie se trouve à un carrefour. En bannissant les Frères musulmans, elle envoie un message clair : aucune menace à la stabilité ne sera tolérée. Mais cette décision pourrait également exacerber les divisions internes, dans un pays où le mouvement bénéficie d’une base populaire solide. La monarchie, qui a toujours su naviguer entre réformes et autoritarisme, devra redoubler d’efforts pour maintenir l’équilibre.
En attendant, les regards se tournent vers Amman. Les prochaines semaines seront cruciales pour évaluer l’impact de cette interdiction, tant sur le plan national que régional. Une chose est sûre : la Jordanie entre dans une nouvelle ère, où les enjeux de sécurité et de politique s’entremêlent plus que jamais.
Points à retenir :
- Les Frères musulmans, bannis en 2025, sont accusés de terrorisme et de déstabilisation.
- Le Front d’action islamique, leur aile politique, est devenu le premier parti d’opposition en 2024.
- La Jordanie, sous pression régionale, cherche à renforcer sa sécurité nationale.
- L’interdiction pourrait avoir des répercussions sur la scène politique et sociale.