Imaginez la scène : une petite librairie de Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, un samedi après-midi tranquille. Des dizaines de sympathisants font la queue, livre à la main, pour approcher leur champion. Et soudain, un œuf s’écrase sur la tête du président du Rassemblement National. Jordan Bardella, 29 ans, favori des sondages pour 2027, se retrouve couvert de jaune d’œuf devant des dizaines de téléphones portables. Ce n’est pas une blague potache. C’est la deuxième agression en cinq jours.
Une agression à l’œuf qui en dit long sur le climat politique
Ce samedi 29 novembre 2025, Jordan Bardella dédicaçait son livre Ce que veulent les Français lorsqu’un homme de 74 ans a franchi la barrière de sécurité. En quelques secondes, l’œuf a explosé sur le crâne du jeune président du RN. Les agents de sécurité ont immédiatement maîtrisé l’agresseur. Le député européen n’a pas été blessé. Il a même repris la séance comme si de rien n’était, un sourire crispé aux lèvres.
Mais derrière l’anecdote apparemment burlesque, c’est tout un climat qui se révèle. Une violence de plus en plus décomplexée à l’encontre des figures du Rassemblement National. Et une question qui brûle toutes les lèvres : jusqu’où ira cette escalade ?
Deux agressions en moins d’une semaine
Revenons quelques jours en arrière. Mardi 25 novembre, à la foire agricole de Vesoul. Jordan Bardella visite les stands, serre des mains, pose pour les selfies. Soudain, une poignée de farine lui recouvre le visage. L’auteur ? Un lycéen de 17 ans. Interpellé, puis relâché avec obligation de suivre un stage de citoyenneté.
Quatre jours plus tard, l’œuf de Moissac. Même cible, même type d’action spectaculaire et non violente au sens strict, mais symboliquement très forte. Deux agressions qui, mises bout à bout, dessinent une inquiétante répétition.
« Plus nous progressons, plus nous nous rapprochons du pouvoir, et plus la violence de l’extrême gauche, de l’intolérance et de la bêtise pure se déchaîne. »
Jordan Bardella, sur X, le soir même
Un septuagénaire en garde à vue
L’auteur présumé de l’agression à l’œuf a 74 ans. Il a été interpellé immédiatement par la gendarmerie et placé en garde à vue pour « violence sur personne dépositaire de l’autorité publique sans incapacité ». À l’heure où ces lignes sont écrites, ses motivations exactes restent floues.
Le Rassemblement National affirme qu’il faisait partie d’un petit groupe de manifestants anti-RN présents aux abords de la librairie. Information que ni la gendarmerie ni le parquet de Montauban n’ont pu confirmer dans l’immédiat.
Une plainte a été déposée au nom de Jordan Bardella et du mouvement. L’enquête dira si l’homme a agi seul ou s’il était coordonné avec d’autres.
Le RN en tête des sondages : la cible parfaite
Il y a une raison évidente à ces attaques répétées : Jordan Bardella domine très largement les intentions de vote pour 2027. Selon le dernier sondage Verian pour L’Hémicycle, publié vendredi, il obtiendrait entre 35,5 % et 36,5 % des voix au premier tour. Un score stratosphérique qui le place très loin devant Édouard Philippe (16,5-17 %) et Raphaël Glucksmann (11,5-13 %).
À deux ans de l’élection présidentielle, le RN n’a jamais paru aussi proche du pouvoir. Et cette proximité semble réveiller les réflexes les plus extrêmes chez certains opposants.
Le RN, premier parti de France dans les sondages depuis des mois
35,5 à 36,5 % d’intentions de vote au 1er tour
Un écart jamais vu avec les autres candidats
Jordan Bardella incarne le renouveau du parti après Marine Le Pen
Une longue tradition française : l’enfarinage et l’œuf comme armes politiques
En France, jeter un œuf ou de la farine est presque devenu une forme d’expression politique codifiée. Des années 1980 avec les entartements de Coluche ou Bernard-Henri Lévy jusqu’aux récentes actions contre Éric Zemmour ou Marine Le Pen, cette pratique oscille entre humour potache et véritable agression.
Mais le curseur se déplace. Ce qui était autrefois l’apanage de militants anarchistes ou d’humoristes semble désormais repris par des profils plus variés : lycéen à Vesoul, septuagénaire à Moissac. Comme si la haine politique se banalisait à tous les âges.
Le RN crie à la « violence de l’extrême gauche »
La réaction de Jordan Bardella a été immédiate. Sur X, il a dénoncé « la violence de l’extrême gauche » et « l’intolérance ». Des mots forts qui font écho à la rhétorique habituelle du RN : plus on monte dans les sondages, plus on devient la cible d’un système qui refuse le débat démocratique.
Pourtant, à ce stade, rien ne permet d’affirmer que l’homme de 74 ans appartient à un mouvement structuré d’extrême gauche. L’enquête le dira. Mais l’accusation est lancée, et elle colle parfaitement au narratif du parti.
Vers une campagne 2027 sous haute tension ?
À dix-huit mois du premier tour, ces deux agressions en moins d’une semaine posent une question brutale : la campagne présidentielle va-t-elle se dérouler dans un climat de violence physique régulière contre les candidats du Rassemblement National ?
Les précédentes élections ont déjà été marquées par des incidents : jets de projectiles sur Marine Le Pen, interruptions violentes de meetings, agressions de militants. Mais jamais encore le leader lui-même n’avait été visé deux fois en si peu de temps.
Le RN, lui, semble décidé à transformer ces agressions en carburant politique. Chaque œuf, chaque poignée de farine devient la preuve que « le système a peur » et que « le peuple est avec nous ».
Et maintenant ?
Jordan Bardella a repris sa tournée de dédicaces. Le livre continue de se vendre. Les sondages le placent toujours en tête. Mais quelque chose a changé. La politique française entre dans une phase où même un œuf peut devenir une arme.
Et pendant ce temps, dans les rangs des autres partis, le silence est assourdissant. Peu de condamnations fermes, peu de prises de position claires contre ces actes. Comme si, pour certains, agresser un responsable du RN relevait presque de la légitime défense démocratique.
2027 s’annonce brûlant. Et ce n’est qu’un œuf, pour l’instant.
