L’ouverture en grande pompe des Jeux Olympiques de Paris 2024 restera gravée dans les mémoires. Feux d’artifice éblouissants, chorégraphies millimétrées, prouesses techniques hallucinantes… Un déferlement de modernité et d’audace artistique, pour casser les codes et bousculer le bon goût bourgeois. Du moins, c’est ainsi que l’événement a été vendu au public. Mais en y regardant de plus près, cette cérémonie d’ouverture ne serait-elle pas, en réalité, plus réactionnaire que révolutionnaire ?
Le paradoxe de l’art contemporain
Les artistes ayant orchestré le spectacle sont à n’en pas douter bourrés de talent. Mais leur quête frénétique de subversion cache mal un fait indéniable : l’art contemporain vit aujourd’hui, pour l’essentiel, de la rente d’un héritage qu’il se plaît à conspuer. Le présent a désespérément besoin du passé pour être mis en valeur, quand l’inverse n’est pas vrai.
Les militants écologistes, hostiles aux agréments de la civilisation, préfèrent profaner les œuvres de Van Gogh que celles de Marcel Duchamp.
Ferghane Azihari
Une esthétique conservatrice
Ironiquement, cette cérémonie censée bouleverser l’ordre établi est restée prisonnière d’une esthétique on ne peut plus conservatrice. Pourquoi avoir choisi Paris et ses monuments légendaires comme écrin, plutôt qu’une quelconque ville nouvelle ? Pourquoi avoir fait de la Seine un terrain de jeu, en faisant fi des contraintes ? C’est que le jeu en valait la chandelle patrimoniale.
- La cérémonie devait se tenir dans un cadre historique et prestigieux.
- Certaines épreuves olympiques auront lieu au pied de monuments emblématiques.
- Des budgets colossaux ont été investis pour faire de Paris une vitrine.
Un post-modernisme de façade
Tout l’attirail pseudo-subversif déployé lors de la cérémonie – parodie de la Cène, pseudo décapitation de Marie-Antoinette, relecture punk de chants révolutionnaires – tire en réalité sa force de son contraste avec notre héritage culturel multiséculaire. Aya Nakamura sous la coupole de l’Institut de France, la Marseillaise version métal devant la Conciergerie… Autant de télescopages soigneusement mis en scène, qui ne font que souligner notre attachement profond à ce que nous feignons de déconstruire.
À croire que les Français demeurent de fervents réactionnaires au-delà d’un post-modernisme surjoué.
Ferghane Azihari
Alors oui, la cérémonie d’ouverture des JO de Paris fut à bien des égards un moment d’anthologie. Oui, ses concepteurs et ses artistes méritent nos applaudissements. Mais ne nous y trompons pas : sous ses atours avant-gardistes, l’événement fut peut-être plus conservateur qu’il n’y paraît. Révélant, au passage, notre profond tropisme pour le passé dont nous tirons fierté. Les Français, ces éternels réactionnaires qui s’ignorent ?