Imaginez une nuit paisible dans une petite ville côtière, brutalement interrompue par des cris et des flammes. C’est ce qu’ont vécu les habitants de Palma, au nord du Mozambique, lors d’une attaque jihadiste récente. Ce vendredi, des insurgés ont semé la terreur, tuant trois personnes et enlevant 11 enfants, dans une région déjà marquée par la violence. Cette tragédie ravive les tensions autour d’un projet gazier d’envergure, porté par le géant français TotalEnergies, et soulève des questions sur la sécurité dans cette province riche en ressources mais déchirée par le conflit.
Une Nouvelle Vague de Violence à Palma
Dans la nuit de jeudi à vendredi, une quinzaine d’insurgés ont pénétré dans Palma, une ville stratégique située à seulement 30 kilomètres de la frontière tanzanienne. Selon une source militaire locale, ces assaillants ont ciblé au moins quatre maisons, kidnappant sept jeunes filles et quatre garçons, tout en ôtant la vie à une personne. Cette attaque, revendiquée par le groupe État islamique, marque un tournant inquiétant : c’est la première incursion de ce type à Palma depuis la tragédie de 2021, qui avait fait plus de 800 morts.
Palma n’est pas une ville ordinaire. Située dans la province de Cabo Delgado, elle est au cœur d’un projet gazier de 20 milliards de dollars mené par TotalEnergies. Ce projet, censé transformer l’économie locale grâce aux vastes réserves de gaz naturel, est aujourd’hui menacé par cette résurgence de la violence. Les habitants, déjà éprouvés par des années de conflit, vivent dans la crainte d’une nouvelle escalade.
Retour sur l’Attaque de 2021 : Un Traumatisme Toujours Présent
En mars 2021, Palma avait été le théâtre d’une attaque d’une ampleur sans précédent. Plus de 800 personnes, dont des sous-traitants de TotalEnergies, avaient perdu la vie dans une offensive jihadiste brutale. Cette tragédie avait forcé l’entreprise française à suspendre son projet gazier, gelant des investissements cruciaux pour la région. Depuis, la situation sécuritaire semblait s’être stabilisée, mais l’attaque récente prouve que la menace reste bien réelle.
« Il y a un lien entre la reprise du projet par Total et cette attaque. Ils veulent montrer que la situation n’est pas aussi sûre que le disent les autorités. »
Un expert en sécurité, sous couvert d’anonymat
Ce regain de violence intervient alors que TotalEnergies envisageait de relancer ses activités cette année. Les insurgés, liés à l’État islamique, semblent vouloir envoyer un message clair : la région reste instable, et les projets d’envergure internationale ne sont pas à l’abri.
Nangade : Une Autre Cible dans la Province
Palma n’a pas été la seule ville touchée ce vendredi. À une centaine de kilomètres à l’ouest, la ville de Nangade a également été visée. Selon un habitant, les assaillants ont fait irruption aux premières heures du jour, tuant deux personnes, incendiant une église et plusieurs maisons, et pillant des commerces. Leur passage, bien que bref, a semé la panique et aggravé le sentiment d’insécurité dans la région.
Ce double assaut met en lumière la stratégie des insurgés : frapper rapidement, causer un maximum de dégâts, puis disparaître. Cette tactique rend leur traque difficile pour l’armée mozambicaine, soutenue depuis 2017 par des forces rwandaises dans leur lutte contre l’État islamique.
Cabo Delgado : Une Province sous Tension
La province de Cabo Delgado, à majorité musulmane, est l’une des plus pauvres du Mozambique, malgré ses immenses réserves de gaz naturel. Ces ressources ont attiré des investissements colossaux, mais elles ont aussi exacerbé les tensions. La pauvreté, combinée à l’insurrection jihadiste, a transformé cette région en un véritable champ de bataille.
Depuis le début du conflit en 2017, plus de 6 200 personnes ont perdu la vie, selon l’ONG Acled, qui suit les conflits armés. En 2025, la violence a atteint un nouveau pic, avec plus de 500 incidents sécuritaires recensés, surpassant toutes les années précédentes. Ces attaques incluent des raids sur des villages, des enlèvements, des meurtres et des pillages.
Chiffres clés du conflit à Cabo Delgado :
- Plus de 6 200 morts depuis 2017
- Plus de 500 incidents sécuritaires en 2025
- 110 000 personnes déplacées en 2025
- 22 000 déplacés en une semaine fin septembre
Une Crise Humanitaire Grandissante
La violence à Cabo Delgado a des répercussions dramatiques sur la population. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, plus de 110 000 personnes ont fui leur foyer cette année. Fin septembre, en une seule semaine, 22 000 personnes ont été forcées de quitter leur maison, fuyant les raids et les exactions.
« La violence a fortement augmenté en 2025, avec des raids contre des villages, des enlèvements, des meurtres et des pillages. »
Xavier Creach, représentant du HCR au Mozambique
Ces déplacements massifs aggravent une crise humanitaire déjà critique. Les camps de réfugiés, souvent surpeuplés, manquent de ressources pour répondre aux besoins de base. Les enfants, comme ceux enlevés lors de l’attaque de Palma, sont particulièrement vulnérables, exposés à la violence et à l’exploitation.
L’Impact sur le Projet Gazier de TotalEnergies
Le projet gazier de TotalEnergies, d’une valeur de 20 milliards de dollars, est au cœur des enjeux à Cabo Delgado. Censé stimuler l’économie locale et nationale, il est aujourd’hui menacé par l’insécurité. L’attaque de 2021 avait déjà stoppé les travaux, et ce nouvel épisode pourrait retarder encore davantage la reprise.
Les insurgés semblent cibler stratégiquement Palma pour perturber ce projet d’envergure. En semant la peur, ils compromettent non seulement la sécurité des habitants, mais aussi les investissements étrangers. La question se pose : la région peut-elle un jour devenir un hub gazier stable ?
Les Défis de la Réponse Sécuritaire
L’armée mozambicaine, appuyée par des forces rwandaises, lutte depuis des années pour contenir l’insurrection. Cependant, la nature insaisissable des attaques jihadistes complique les efforts. Les assaillants opèrent en petits groupes, frappent rapidement et disparaissent, rendant leur neutralisation difficile.
De plus, l’absence de commentaires officiels de l’armée mozambicaine alimente un sentiment d’opacité. Les habitants, laissés dans l’incertitude, peinent à faire confiance aux autorités pour rétablir la paix. Cette situation renforce le sentiment d’abandon dans une région déjà marginalisée.
Perspectives pour l’Avenir
La situation à Cabo Delgado reste préoccupante. Tant que la pauvreté et l’insécurité persisteront, les groupes jihadistes trouveront un terrain fertile pour recruter et semer le chaos. Les efforts internationaux, comme l’appui rwandais, doivent s’accompagner de solutions à long terme, telles que le développement économique et social de la province.
Pour les habitants de Palma et de Nangade, la peur est devenue une réalité quotidienne. Les enfants enlevés, les familles déplacées et les villages incendiés rappellent l’urgence d’une réponse concertée. Mais dans un contexte aussi complexe, où les intérêts économiques et la violence s’entremêlent, la paix semble encore lointaine.
Que retenir de la situation à Cabo Delgado ?
- Attaques jihadistes en hausse, avec des cibles stratégiques comme Palma.
- Enlèvements d’enfants et meurtres aggravent la crise humanitaire.
- Le projet gazier de TotalEnergies, clé pour l’économie, est menacé.
- Plus de 110 000 déplacés en 2025, un record inquiétant.
La tragédie de Palma et de Nangade est un rappel brutal des défis auxquels le Mozambique est confronté. Entre richesse gazière et violence jihadiste, la province de Cabo Delgado est à un tournant. La communauté internationale, les autorités locales et les investisseurs devront travailler de concert pour ramener la stabilité, mais le chemin s’annonce long et semé d’embûches.
