Imaginez une route poussiéreuse, autrefois grouillante de camions chargés de denrées vitales, aujourd’hui bloquée par des barrages improvisés. Au Mali, ce scénario n’est pas une fiction, mais une réalité imposée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). Ce groupe jihadiste, affilié à Al-Qaïda, orchestre une stratégie insidieuse visant à étrangler l’économie malienne. Ce jihad économique, comme le qualifie un récent rapport, menace non seulement la stabilité économique mais aussi la survie quotidienne des populations.
Une stratégie jihadiste ciblée
Le Mali traverse une crise sécuritaire depuis plus d’une décennie, marquée par des violences perpétrées par des groupes jihadistes et des milices communautaires. Cependant, le GSIM a récemment adopté une approche plus calculée, visant à déstabiliser le pays par des moyens économiques. En ciblant les axes logistiques essentiels, le groupe cherche à couper les artères vitales reliant Bamako, la capitale, aux pays voisins comme le Sénégal et la Mauritanie.
Ces routes, véritables poumons de l’économie malienne, permettent l’acheminement de produits indispensables tels que le carburant, les denrées alimentaires et les matières premières. En bloquant ces axes, le GSIM perturbe non seulement le commerce mais aussi la vie quotidienne des Maliens, accentuant la pression sur une population déjà fragilisée.
Kayes : un hub économique sous pression
La région de Kayes, située à l’ouest du Mali, joue un rôle stratégique dans l’économie nationale. Considérée comme un hub économique, elle est le point de passage de plus de 70 % des importations maliennes, notamment via la route reliant Bamako à Dakar. Cette artère commerciale, essentielle pour l’approvisionnement en produits de première nécessité, est devenue une cible privilégiée du GSIM.
Depuis début septembre, des barrages ponctuels ont été érigés sur ces routes, entraînant des perturbations majeures. Les témoignages locaux décrivent des files de véhicules s’étendant sur des kilomètres, bloqués par des checkpoints jihadistes. Ces actions ont un effet domino : les prix des produits de base s’envolent, et l’insécurité alimentaire gagne du terrain, particulièrement à Bamako.
Le groupe cherche à asphyxier Bamako en ciblant les axes-clés d’approvisionnement.
Les conséquences d’un blocus ciblé
Le Mali, pays enclavé sans accès direct à la mer, dépend fortement des importations transitant par les ports de Dakar, de Mauritanie ou de Côte d’Ivoire. Les produits comme le poisson, les fruits, les légumes et les hydrocarbures sont acheminés par ces routes désormais menacées. Les barrages du GSIM ont provoqué des hausses de prix significatives, rendant ces biens inaccessibles pour de nombreux Maliens.
Les récents incidents, comme l’incendie d’une dizaine de bus de transport, illustrent l’ampleur de cette stratégie. Une compagnie de transport privé, durement touchée, a suspendu ses activités, invoquant des raisons de sécurité. Ces perturbations ne se limitent pas au commerce : elles affectent également la mobilité des personnes, isolant davantage les communautés rurales.
Impact économique en chiffres :
- 70 % des importations maliennes transitent par Kayes.
- 10 bus incendiés sur les axes routiers.
- Files de véhicules sur plus de 10 km près de Bamako.
Une réponse militaire tardive
Face à cette menace croissante, l’armée malienne a d’abord minimisé l’impact des actions jihadistes. Cependant, la gravité de la situation a conduit la junte au pouvoir à déployer des troupes sur les axes routiers de l’ouest et du sud. L’objectif : rétablir la circulation et sécuriser ces routes vitales. Mais cette réponse, bien que nécessaire, arrive tardivement, alors que les perturbations économiques sont déjà bien installées.
La stratégie du GSIM ne se limite pas à des blocus physiques. Le groupe cible également les entreprises étrangères, notamment chinoises, implantées au Mali. En attaquant ces partenaires économiques, les jihadistes cherchent à éroder la confiance des investisseurs, fragilisant davantage l’économie nationale.
Un jihad économique aux multiples visages
Ce jihad économique ne se résume pas à bloquer des routes. Il s’agit d’une stratégie globale visant à déstabiliser le Mali à plusieurs niveaux. En perturbant l’approvisionnement en carburant, le GSIM met en péril les activités industrielles et agricoles. En ciblant les denrées alimentaires, il aggrave l’insécurité alimentaire, déjà préoccupante dans un pays où des millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire.
Les conséquences sociales sont tout aussi alarmantes. Les hausses de prix rendent la vie quotidienne plus difficile pour les Maliens, tandis que l’insécurité croissante limite les déplacements et isole les communautés. Ce cercle vicieux renforce le sentiment d’abandon dans les zones rurales, où les jihadistes peuvent gagner en influence.
Secteur | Impact |
---|---|
Commerce | Perturbation des importations, hausse des prix |
Transport | Suspension d’activités, véhicules incendiés |
Sécurité alimentaire | Raréfaction des denrées, malnutrition accrue |
Quelles perspectives pour le Mali ?
La situation actuelle soulève des questions cruciales sur l’avenir du Mali. Comment la junte au pouvoir peut-elle contrer cette menace économique sans précédent ? La sécurisation des axes routiers est un premier pas, mais elle ne suffira pas à restaurer la confiance des partenaires économiques ni à stabiliser les prix. Une stratégie globale, combinant efforts militaires, diplomatiques et économiques, semble indispensable.
En attendant, les Maliens continuent de subir les conséquences de ce blocus. Les marchés se vident, les prix grimpent, et l’insécurité s’installe durablement. Le GSIM, en adoptant cette tactique de jihad économique, montre qu’il ne cherche pas seulement à contrôler des territoires, mais à paralyser un pays tout entier.
Ce conflit, bien que moins visible que les affrontements armés, pourrait avoir des répercussions durables. La communauté internationale, déjà impliquée dans la région, devra redoubler d’efforts pour soutenir le Mali face à cette nouvelle forme de guerre. Car au-delà des routes bloquées, c’est l’avenir économique et social du pays qui est en jeu.