Au cœur du Moyen-Orient, un événement d’envergure rassemble les acteurs clés de l’industrie de la défense. Le salon international de l’armement et celui consacré aux industries navales, IDEX et NAVDEX, se tiennent actuellement à Abou Dhabi, capitale des Émirats arabes unis. Parmi les exposants, un pavillon se distingue particulièrement : celui d’Israël, nation dont la présence en ces lieux aurait été impensable il y a encore quelques années.
Une participation israélienne remarquée dans un contexte tendu
Malgré la trêve fragile dans la bande de Gaza après une guerre dévastatrice entre Israël et le Hamas palestinien, les fabricants d’armes israéliens ont fait le déplacement pour présenter fièrement leurs produits. Une présence qui ne manque pas de susciter des interrogations, surtout après l’annulation de leur participation au salon Eurosatory l’an dernier, en pleine offensive israélienne à Gaza.
D’après une source proche de l’industrie, les trois principaux fabricants israéliens présents au salon, IAI, Elbit Systems et Rafael, auraient affiché un chiffre d’affaires record de 13,6 milliards de dollars en 2023, porté notamment par l’offensive sur Gaza. Une performance qui ne les empêche pas de collaborer avec leurs alliés régionaux, comme l’explique Boaz Levy, PDG d’IAI :
Certains de nos produits sont là-bas [à Gaza], mais nous sommes une entreprise technologique qui donne à l’utilisateur final les capacités requises sur le terrain.
Des partenariats rendus possibles grâce à la normalisation des relations
La présence israélienne à ce salon s’inscrit dans le cadre de la normalisation des relations entre Israël et les Émirats arabes unis, concrétisée par les accords d’Abraham en 2020 sous l’égide des États-Unis. Depuis, les deux pays ont tissé des liens étroits en matière de défense, permettant notamment au fabricant israélien d’armes légères Emtan d’assister à toutes les éditions du salon.
Cette coopération se matérialise également par la présence de la compagnie israélo-américaine Heven Drones, venue présenter son nouveau drone à hydrogène capable de transporter plus de 22 kilos pendant dix heures. Son fondateur, Bentzion Levinson, reconnaît la sensibilité du contexte, mais souligne l’importance de la sécurité comme dénominateur commun :
Ce que nous avons entendu de nos homologues aux Émirats et dans d’autres pays, c’est que le plus important, c’est la sécurité. Israël, les États-Unis, les Émirats, l’Arabie saoudite et toute la région sont d’accord sur l’objectif de vaincre le terrorisme, et pour cela, nous devons avoir la meilleure technologie.
Le salon de l’armement comme outil de soft power pour les Émirats
Au-delà des enjeux sécuritaires, l’organisation de ce salon représente pour les Émirats arabes unis un véritable instrument de soft power. Selon Kristian Alexander, chercheur à l’Institut de sécurité et de défense Rabdan basé à Abou Dhabi, le pays utilise cet événement pour se positionner comme un acteur neutre mais influent sur la scène internationale.
Avec des dépenses militaires estimées entre 20 et 23 milliards de dollars par an, les Émirats ont progressivement élargi leur liste de fournisseurs, traditionnellement tournée vers les États-Unis et l’Europe, à des pays comme la Chine, la Turquie, Israël et même la Russie. Une diversification qui témoigne de la volonté du pays de s’affirmer comme un hub stratégique incontournable.
Des contrats d’armement à plus d’un milliard de dollars signés dès le premier jour
L’enjeu économique de ce salon est considérable, comme en attestent les contrats d’une valeur totale de 3,97 milliards de dirhams (un peu plus d’un milliard de dollars) conclus lors de la première journée selon les organisateurs. Une manne financière qui profite à de nombreux acteurs, des géants occidentaux de l’armement aux entreprises locales en plein essor.
Alors que les dirigeants émiratis multiplient les rencontres diplomatiques en marge du salon, à l’image de l’entrevue entre le président Mohammed ben Zayed et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, les industriels de la défense, eux, s’activent pour promouvoir leurs dernières innovations. Un ballet géopolitique et commercial qui illustre parfaitement les nouvelles dynamiques à l’œuvre dans une région en pleine mutation.
Conclusion
La présence remarquée des fabricants d’armes israéliens au salon international de la défense à Abou Dhabi témoigne des bouleversements géopolitiques en cours au Moyen-Orient. Rendue possible par la normalisation des relations entre Israël et les Émirats arabes unis, cette participation suscite autant d’intérêt que d’interrogations dans un contexte régional toujours tendu.
Au-delà des enjeux sécuritaires et économiques, cet événement met en lumière la volonté des Émirats de s’affirmer comme un acteur clé sur la scène internationale, usant de son influence diplomatique et de son pouvoir d’attraction pour tisser des partenariats stratégiques tous azimuts. Une stratégie qui n’est pas sans risques, mais qui pourrait bien redessiner durablement les équilibres géopolitiques de la région.
