Le paysage médiatique israélien est en passe de connaître un bouleversement majeur. Mercredi, les députés ont donné leur feu vert préliminaire à un projet de loi visant à privatiser le service public audiovisuel. Une décision qui a immédiatement provoqué un tollé au sein de l’opposition.
Le gouvernement assume un virage libéral
Porté par le ministre des Communications Shlomo Karhi, le texte prévoit purement et simplement la fermeture de la chaîne de télévision Kan et des radios publiques d’ici deux ans. Les fréquences et les actifs seraient alors cédés à des entreprises privées, moyennant l’obtention de licences de diffusion.
Pour justifier cette réforme d’ampleur, Shlomo Karhi invoque « une idéologie d’économie libérale« . Mais il ne s’en cache pas : il accuse aussi la chaîne Kan de propager « la haine contre l’État d’Israël« . Le gouvernement assume donc pleinement un virage à la fois économique et politique.
L’opposition crie à l’atteinte à la démocratie
Sans surprise, l’opposition est vent debout contre ce qu’elle considère comme une attaque frontale contre les fondements démocratiques du pays. Pour Yaïr Lapid, chef de file de l’opposition et ancien journaliste :
Il n’y a pas d’État démocratique sans liberté d’expression. Ils veulent faire ce que font les dictatures en commençant par détruire la presse libre.
Le groupe audiovisuel public Kan a lui aussi vivement réagi, dénonçant « une autre étape sur la voie de la prise de contrôle de la radiodiffusion publique, de sa liquidation, de la vente de ses actifs et de leur transfert direct à des capitaux privés« .
Des sanctions contre les médias critiques
Au-delà de la télévision et de la radio publiques, le gouvernement a décidé de sanctionner le journal de gauche Haaretz, connu pour ses prises de position très critiques. L’État ne diffusera plus aucune publicité ni aucun message public dans ses pages, une manière de le priver de précieuses ressources.
Pour Shlomo Karhi, il s’agit de lutter contre « la propagande mensongère » de ce titre pourtant parmi les plus anciens et respectés du pays. Son rédacteur en chef avait récemment appelé à des sanctions contre Israël lors d’un colloque à Londres.
Des mesures politiques et des dérives inquiétantes
L’Association de la presse étrangère en Israël s’inquiète d’une dérive et considère que ces « mesures semblent vindicatives et motivées par des considérations politiques« . Elle fait le parallèle avec l’interdiction d’émettre imposée à la chaîne qatarie Al-Jazeera.
Alors qu’Israël se déchire sur de nombreux sujets de société, la question des médias cristallise les tensions. Entre volonté de libéralisation économique, tentation du contrôle politique et défense de la liberté d’expression, le débat promet d’être intense dans les prochains mois. L’avenir du paysage médiatique israélien en dépend.