C’est une mobilisation qui prend de l’ampleur au fil des semaines. Depuis l’incarcération mi-novembre de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal en Algérie, les voix s’élèvent de toutes parts pour réclamer sa libération. Mais l’inquiétude grandit quant à son état de santé, comme l’ont exprimé mardi soir son éditeur Antoine Gallimard et son avocat Me François Zimeray lors d’une soirée de soutien organisée à Paris.
Un écrivain malade et âgé derrière les barreaux
« Les dernières nouvelles n’étaient pas excellentes. Trois mois c’est long pour lui, surtout quand on ne sait pas si ces trois mois vont se transformer en six mois, en un an… », a déclaré avec émotion Antoine Gallimard, PDG des prestigieuses Éditions Gallimard. Des propos relayés par l’avocat de l’écrivain :
Il va comme peut aller un homme de son âge. Il est aujourd’hui au pavillon pénitentiaire de l’hôpital Mustapha d’Alger, soigné pour une affection grave. Je n’ai pas de doute sur le fait qu’il est probablement bien suivi. Je n’ai aucune raison de penser le contraire. Il reste qu’il est un homme âgé, malade, fragilisé par cette situation, privé de sa liberté.
Me François Zimeray, avocat de Boualem Sansal
Âgé de 80 ans selon son éditeur (contre 75 ans comme il l’affirmait auparavant), Boualem Sansal doit en effet faire face à de sérieux problèmes de santé, aggravés par les conditions de détention. Une situation d’autant plus préoccupante qu’il est poursuivi pour des motifs jugés fallacieux par ses soutiens.
Des accusations « sans aucun fondement » pour ses défenseurs
L’auteur du « Serment des barbares » et du « Village de l’Allemand » est accusé en vertu de l’article 87 bis du code pénal algérien, qui punit « tout acte visant la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions ». En cause : des propos tenus dans un média français réputé d’extrême droite, où il aurait repris à son compte la position marocaine sur un différend frontalier avec l’Algérie datant de la période coloniale.
Des allégations balayées par son avocat Me Zimeray. « Au regard des accusations qui sont portées contre lui, il est d’abord innocent ». Une analyse partagée par de nombreux intellectuels et écrivains qui se sont élevés contre cette incarcération, à l’image de Roberto Saviano, Ian McEwan ou Jon Kalman Stefansson.
Une mobilisation internationale qui s’amplifie
Au-delà des déclarations de soutien, plusieurs initiatives ont été lancées pour maintenir la pression sur les autorités algériennes. Mardi soir, l’Institut du monde arabe à Paris projetait sur sa façade les mots « Je suis Sansal », tandis que son président Jack Lang martelait :
Je suis Sansal. Nous sommes Sansal. Vous êtes Sansal.
Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe
De son côté, l’écrivain franco-algérien Kamel Daoud, prix Goncourt 2024, a exhorté l’auditoire : « On vous demande seulement de ne pas l’oublier dans les prisons d’Alger ». Quant au journaliste Éric Fottorino, il a rappelé cette phrase prémonitoire de Boualem Sansal datant de 2015 :
Ils me laissent en liberté parce que je suis leur caution pour qu’ils continuent de penser qu’ils sont une démocratie.
Boualem Sansal en 2015, cité par Éric Fottorino
Une pétition internationale circule également pour réclamer sa libération immédiate. Certains, comme les signataires d’une tribune dans un grand quotidien français, vont jusqu’à appeler le président Emmanuel Macron à agir, évoquant des « leviers » comme la remise en cause du régime de visas favorable à l’Algérie.
L’Algérie reste pour l’heure inflexible
Malgré cette pression grandissante, le pouvoir algérien ne semble pas décidé à céder. Boualem Sansal reste détenu à l’isolement, sans perspective de remise en liberté prochaine. Une situation qui suscite l’incompréhension et la colère de ses proches, persuadés qu’il paye avant tout son indépendance d’esprit et son insoumission.
« Cette soirée est pour Boualem, elle n’est pas contre l’Algérie. Nous aimons ce pays, nous aimons le peuple algérien. Et quand on aime on dit les choses, non ? », a ainsi déclaré le journaliste François Busnel en ouverture du rassemblement parisien. Un message qui résume le sentiment partagé par beaucoup : la défense de Boualem Sansal n’est pas une attaque contre l’Algérie, mais un combat pour la liberté d’expression et les droits humains fondamentaux.
Reste à savoir jusqu’où ira cette mobilisation, et si elle sera suffisante pour infléchir la position des autorités algériennes. En attendant, chaque jour qui passe alourdit le tribut payé par Boualem Sansal, cet écrivain humaniste devenu malgré lui un symbole planétaire de la lutte contre l’arbitraire et l’oppression. La communauté internationale retiendra son souffle jusqu’à sa libération.