Avez-vous déjà imaginé un marché grouillant de vie, soudain plongé dans un silence inquiétant ? C’est la réalité que vivent aujourd’hui les commerçants de Tanah Abang, le cœur battant du textile en Asie du Sud-Est, situé à Jakarta. Alors que le Ramadan, mois sacré et traditionnellement synonyme d’abondance pour les ventes, bat son plein en cette année 2025, une ombre plane sur les échoppes. Entre la montée en puissance du commerce en ligne et une économie qui tousse, les rideaux métalliques se baissent, les espoirs s’amenuisent. Plongez avec nous dans cette actualité qui révèle les défis d’un monde en mutation.
Un Ramadan Sans Éclat pour les Commerçants
Le Ramadan, c’est habituellement la saison des records pour les commerçants indonésiens. Les familles se pressent pour acheter vêtements neufs, cadeaux et décorations en vue de l’Aïd-el-Fitr, la fête marquant la fin du jeûne. Mais en 2025, l’ambiance est bien différente. À Tanah Abang, des allées autrefois vibrantes résonnent désormais d’un calme inhabituel, ponctué par le cliquetis des rideaux qui se ferment.
La Concurrence Impitoyable du Commerce en Ligne
Le grand coupable pointé du doigt ? Le commerce en ligne. Avec des plateformes comme TikTok ou Telegram, acheter devient un jeu d’enfant : un clic, une livraison rapide, et des prix souvent imbattables. Une étudiante malaisienne de 22 ans, venue à Jakarta pour dénicher des vêtements islamiques bon marché, témoigne de cette révolution. Grâce à ses ventes en direct sur les réseaux sociaux, ses revenus ont explosé pendant le Ramadan, multipliés par cinq. Pendant ce temps, les commerçants traditionnels peinent à suivre.
C’est excellent, le Ramadan est la meilleure période pour vendre en ligne.
– Une jeune entrepreneuse malaisienne
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. D’après une source proche des données économiques, le marché du e-commerce en Indonésie devrait bondir de 53 milliards de dollars en 2023 à 87 milliards en 2028. Une croissance fulgurante qui dévore les parts des boutiques physiques, incapables de rivaliser avec cette vague digitale.
Une Économie en Berne Plombe les Ventes
Mais le commerce en ligne n’est pas le seul à blâmer. L’économie indonésienne traverse une période trouble. La roupie s’affaiblit, les finances publiques souffrent, et les consommateurs hésitent à dépenser. Un commerçant expérimenté, installé depuis des décennies à Tanah Abang, confie que son chiffre d’affaires a chuté de moitié par rapport à l’année précédente. Un autre, plus jeune, note une baisse de 20 % de ses ventes annuelles, passant de 139 000 euros à 111 000 euros en 2025.
Les charges, elles, ne bougent pas. Loyer, frais de service – environ 56 euros par mois – pèsent lourd sur des épaules déjà fragilisées par la crise du Covid. “Nos mensualités restent inchangées, mais les clients se font rares”, déplore un détaillant. Une équation insoluble pour beaucoup.
Les Promesses Politiques à l’Épreuve
Le président indonésien, en poste depuis octobre 2024, avait promis monts et merveilles : une croissance économique portée de 5 à 8 %. Mais les premiers mois de son mandat laissent un goût amer. Entre les programmes coûteux, comme les repas gratuits pour les écoliers, et des coupes budgétaires qui crispent la population, l’optimisme s’effrite. Des manifestations ont même éclaté, signe d’une inquiétude grandissante.
Les premiers mois de ce gouvernement sont une source d’inquiétude.
– Un économiste spécialisé sur l’Asie
Pour tenter de relancer la machine, la banque centrale a réduit ses taux d’intérêt en janvier 2025. Une mesure désespérée qui n’a pas encore porté ses fruits. Pendant ce temps, à Tanah Abang, les commerçants espèrent un miracle dans les derniers jours avant l’Aïd.
Taxer le E-commerce : La Solution Miracle ?
Face à cette situation, une idée fait son chemin : taxer davantage les géants du commerce en ligne. Les détaillants traditionnels y voient une planche de salut, dénonçant une concurrence déloyale. “Nous payons des loyers, des frais, alors qu’eux prospèrent sans contraintes”, s’indigne une commerçante de 37 ans. Une revendication qui trouve écho dans les discussions, mais qui divise.
- Pour les commerçants : une taxe rééquilibrerait le jeu.
- Pour les experts : elle risque de freiner un secteur en plein essor.
- Pour les consommateurs : les prix en ligne pourraient grimper.
Le débat est loin d’être tranché. Mais une chose est sûre : sans mesures concrètes, le fossé entre commerce physique et digital ne fera que s’élargir.
S’Adapter ou Disparaître : Le Défi des Traditionnels
Et si la clé était ailleurs ? Pour la présidente d’une association d’employeurs indonésienne, l’heure n’est plus aux lamentations, mais à l’action. “Les jeunes générations, millennials et Gen Z, préfèrent les méthodes modernes”, souligne-t-elle. Ces consommateurs, qui forment la majorité des acheteurs, plébiscitent la praticité et les tendances véhiculées par les réseaux sociaux.
Chiffre clé : Plus de 60 % des Indonésiens de moins de 35 ans achètent en ligne régulièrement.
Pour survivre, les commerçants de Tanah Abang devront peut-être eux-mêmes prendre le virage du numérique. Certains commencent à envisager des ventes sur les plateformes, mais le chemin est semé d’embûches : manque de compétences, coûts initiaux, et une concurrence déjà féroce en ligne.
Tanah Abang : Symbole d’un Monde en Transition
À Tanah Abang, les rideaux baissés racontent une histoire plus large : celle d’une économie en pleine mutation, où traditions et modernité s’affrontent. Les commerçants, eux, oscillent entre résignation et espoir. “Je dois tenir bon, où irais-je sinon ?” confie un vétéran du marché. Une question qui résonne comme un défi pour toute une génération.
Indicateur | 2024 | 2025 |
Chiffre d’affaires moyen | 100 % | 50-80 % |
Valeur e-commerce | 53 Mds $ | Croissance prévue |
Ce tableau illustre l’ampleur du choc. Mais au-delà des chiffres, c’est une transformation profonde qui se joue. Le Ramadan 2025 pourrait bien marquer un tournant pour les marchés traditionnels indonésiens.
Et Après ? Les Jours Décisifs Avant l’Aïd
Pour beaucoup, les derniers jours avant l’Aïd-el-Fitr restent une lueur d’espoir. Historiquement, cette période concentre les achats de dernière minute. Mais avec des portefeuilles serrés et des habitudes bouleversées, rien n’est garanti. Les commerçants croisent les doigts, espérant un sursaut qui ne viendra peut-être jamais.
En attendant, le marché de Tanah Abang reste un miroir des tensions qui traversent l’Indonésie : entre passé et avenir, entre commerce physique et digital, entre promesses politiques et réalités économiques. Une chose est certaine : cette crise ne laissera personne indemne.