Ce samedi, la petite ville bretonne de la Trinité-sur-Mer a été le théâtre d’un événement qui a attiré l’attention de tout le pays : les obsèques de Jean-Marie Le Pen, figure emblématique et controversée de l’extrême droite française, décédé le 30 mai dernier à l’âge de 96 ans. Sous un ciel bleu et devant une foule de curieux et de journalistes, la famille Le Pen, emmenée par sa fille Marine, actuelle présidente du Rassemblement national, s’est recueillie en l’église Saint-Joseph pour un dernier adieu à celui qui aura marqué durablement le paysage politique français.
Un tribun provocateur qui a divisé l’opinion
Tout au long de sa carrière politique, Jean-Marie Le Pen s’est distingué par ses prises de position radicales et ses déclarations chocs, notamment sur l’immigration et la communauté juive. Son accession au second tour de l’élection présidentielle de 2002 face à Jacques Chirac avait provoqué un séisme politique et la constitution d’un « front républicain » pour faire barrage à l’extrême droite. Malgré sa défaite, Jean-Marie Le Pen avait réussi à imposer ses thèmes de prédilection dans le débat public et à banaliser les idées du Front national, le parti qu’il avait cofondé en 1972.
Une cérémonie sobre et familiale
En ce samedi ensoleillé, c’est dans la plus stricte intimité que la famille Le Pen a choisi de rendre hommage au patriarche. Seuls quelques proches, dont Bruno Gollnisch, ancien député européen et fidèle lieutenant de Jean-Marie Le Pen, étaient conviés à la cérémonie religieuse. Dans son éloge funèbre, ce dernier a salué la mémoire d’un homme « qui a marqué [son] existence » et dont l’œuvre politique ne saurait se résumer à quelques « mots plus ou moins malheureux ». Une allusion aux nombreuses condamnations pour incitation à la haine raciale et propos négationnistes qui jalonnent le parcours de Jean-Marie Le Pen.
Un héritage politique complexe
Avec la disparition de Jean-Marie Le Pen, c’est une page de l’histoire de l’extrême droite française qui se tourne. Mais son influence reste prégnante, comme en témoigne la présence de sa fille Marine à ses obsèques. Celle-ci avait pourtant pris ses distances avec son père en 2015, allant jusqu’à l’exclure du Front national pour « faute politique » après des propos polémiques sur les chambres à gaz. En dépit de cette rupture familiale et politique, Marine Le Pen a tenu à rendre un dernier hommage à celui qui lui a transmis le flambeau du parti, rebaptisé Rassemblement national en 2018.
La question de l’héritage de Jean-Marie Le Pen reste posée. Si Marine Le Pen a entrepris de « dédiaboliser » le parti pour le rendre plus fréquentable, elle n’en a pas moins conservé un certain nombre de ses idées, notamment sur l’immigration et l’identité nationale. Avec son accession au second tour de la présidentielle en 2017 et les scores historiques du RN aux dernières élections, force est de constater que la stratégie initiée par Jean-Marie Le Pen il y a plus de 50 ans continue de porter ses fruits.
Une figure clivante jusqu’au bout
Les obsèques de Jean-Marie Le Pen auront été à l’image de sa vie politique : clivantes et sujettes à polémique. Mardi soir déjà, plusieurs centaines de personnes s’étaient rassemblées dans plusieurs villes de France pour « fêter » le décès de celui qu’elles considéraient comme un symbole du racisme et de la haine. Des scènes qui contrastent avec l’hommage rendu ce samedi par sa famille et ses proches, et qui témoignent de la trace indélébile laissée par Jean-Marie Le Pen dans l’histoire et la société françaises.
« C’est quelqu’un qui a marqué mon existence indiscutablement. Il n’était pas du tout conforme à l’image que certains veulent donner de lui aujourd’hui à partir de deux ou trois mots plus ou moins malheureux, très loin d’être représentatifs de toute son oeuvre, de son intelligence, de sa culture ».
Bruno Gollnisch, ancien député et bras droit de Jean-Marie Le Pen
Malgré les zones d’ombre et les polémiques qui ont émaillé son parcours, Jean-Marie Le Pen laisse derrière lui un héritage politique considérable, dont sa fille Marine est aujourd’hui la dépositaire. Ses obsèques auront été le reflet de sa personnalité complexe et ambivalente, entre hommages appuyés et condamnations virulentes. Une chose est sûre : la figure de Jean-Marie Le Pen continuera longtemps de diviser et de faire débat, bien au-delà de sa mort.