La Géorgie traverse une période de forte instabilité politique suite aux élections législatives controversées du 26 octobre dernier. Depuis l’annonce des résultats donnant vainqueur le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, des milliers de Géorgiens pro-européens sont descendus dans les rues pour contester ce scrutin, dénonçant des irrégularités. Mais le gouvernement, accusé de vouloir rapprocher le pays de la Russie plutôt que de l’Union Européenne, a décidé de réprimer violemment ces manifestations pacifiques.
Une nuit d’affrontements à Tbilissi
Dans la nuit de jeudi à vendredi, la police anti-émeute est intervenue brutalement pour disperser les manifestants rassemblés devant le Parlement à Tbilissi. Faisant usage de balles en caoutchouc, de gaz lacrymogènes et de canons à eau, les forces de l’ordre ont chargé la foule, n’hésitant pas à frapper manifestants et journalistes. Face à eux, les protestataires avaient érigé des barricades enflammées pour tenter de résister.
Selon un bilan officiel, 43 personnes ont été arrêtées et 32 policiers blessés lors de ces affrontements. Parmi les protestataires, deux élues de l’opposition, Elene Khochtaria et Nana Malachkhia, ont également été blessées, souffrant respectivement d’un bras et d’un nez cassés. Le célèbre poète Zviad Ratiani fait aussi partie des personnes interpellées.
Un pays divisé entre pro-russes et pro-européens
Cette crise post-électorale révèle les profondes fractures qui traversent la société géorgienne. D’un côté, une grande partie de la population aspire à un rapprochement avec l’Union Européenne, considérant l’Occident comme un rempart contre l’influence de la Russie, perçue comme une menace depuis la guerre de 2008. De l’autre, le gouvernement issu du Rêve géorgien est accusé par ses détracteurs de vouloir éloigner le pays de l’Europe pour le rapprocher de Moscou.
La décision annoncée jeudi soir par le gouvernement de suspendre jusqu’en 2028 les efforts d’intégration à l’UE, alors que la Géorgie avait obtenu le statut de candidat en décembre 2023, a mis le feu aux poudres. Le Premier ministre Irakli Kobakhidzé a rejeté les critiques du Parlement européen, l’accusant de « chantage », tout en assurant que le pays poursuivrait les réformes pour « devenir un Etat membre en 2030 ». Mais ces propos n’ont pas convaincu l’opposition.
L’opposition appelle à amplifier la contestation
Malgré la répression brutale des manifestations, l’opposition pro-européenne ne compte pas baisser les bras. Un de ses leaders a appelé à une nouvelle mobilisation massive ce vendredi soir à 19h dans la capitale. L’objectif est clair : faire plier le pouvoir en place et l’obliger à organiser de nouvelles élections libres. Des appels relayés sur les réseaux sociaux.
La présidente Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, a elle aussi dénoncé la « répression » des manifestations et appelé à une « réaction ferme des capitales européennes ». Dotée de pouvoirs limités, elle exige que la Cour constitutionnelle annule les résultats des législatives, une demande qui a cependant peu de chances d’aboutir.
La Géorgie au bord de l’implosion ?
Cette crise politique majeure fait craindre une aggravation des tensions dans ce pays du Caucase, habitué aux soubresauts mais qui semblait sur la voie d’un rapprochement progressif avec l’Europe ces dernières années. Le choix du gouvernement de suspendre ce processus et de réprimer les aspirations d’une partie de sa population risque de créer un dangereux précédent.
Coincée entre l’influence de la Russie et son désir d’ancrage à l’Ouest, tiraillée par des fractures internes de plus en plus visibles, la Géorgie semble aujourd’hui au bord de l’implosion. L’issue de cette crise, et la capacité des différents acteurs à trouver un compromis, sera déterminante pour l’avenir du pays. Les prochains jours s’annoncent décisifs.