Le 27 novembre 2024, un cessez-le-feu était censé mettre fin à deux mois de guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah. Un an plus tard, jour pour jour, des explosions déchirent à nouveau le ciel du Liban sud. L’armée israélienne annonce avoir détruit des infrastructures présentées comme terroristes. Pour beaucoup de Libanais, c’est la preuve brutale que la paix n’a jamais vraiment existé.
Un anniversaire sous les bombes
Jeudi matin, les habitants de plusieurs villages du sud du pays ont été réveillés par le grondement familier des avions de chasse. Des colonnes de fumée noire s’élevaient déjà au-dessus des collines quand l’armée israélienne a publié son communiqué. Des sites de lancement, des stocks d’armes et des postes militaires auraient été neutralisés. L’opération, précise-t-elle, visait à empêcher toute tentative de reconstitution des capacités militaires du Hezbollah.
Cette annonce tombe exactement un an après l’entrée en vigueur de l’accord négocié sous forte pression internationale. Un accord qui devait ramener le calme le long de la Ligne bleue et permettre un retour progressif à la normale. Au lieu de cela, la frontière reste une zone de tensions permanentes.
Que disait exactement l’accord de novembre 2024 ?
Les termes étaient clairs, du moins sur le papier. L’armée israélienne devait se retirer complètement du territoire libanais au plus tard le 18 février 2025. En parallèle, l’armée libanaise, appuyée par la FINUL, devait prendre le contrôle de la zone située entre la frontière et le fleuve Litani, soit une bande d’environ trente kilomètres. Objectif : empêcher toute présence militaire autre que celle de l’État libanais.
Un an après, les soldats israéliens occupent encore plusieurs points stratégiques. Les frappes, elles, n’ont jamais vraiment cessé. Elles se sont même intensifiées ces dernières semaines, avec un pic particulièrement violent dimanche dernier : l’élimination ciblée du chef militaire du Hezbollah, Haitham Ali Tabatabai, en plein cœur de la banlieue sud de Beyrouth.
« Nous agissons conformément aux termes du cessez-le-feu en éliminant toute menace pesant sur les civils israéliens »
Communiqué de l’armée israélienne, jeudi
Une lecture radicalement différente côté libanais
À Beyrouth, on parle ouvertement de « guerre d’usure unilatérale ». Le Premier ministre Nawaf Salam n’a pas mâché ses mots jeudi. Il a dénoncé une situation où son pays subit des violations quotidiennes pendant que la communauté internationale regarde ailleurs.
Il a également pointé du doigt, sans le nommer directement, le Hezbollah : ces armes qui devaient protéger le Liban n’ont protégé ni ses dirigeants ni la population. Une critique rare dans la bouche d’un chef de gouvernement libanais, preuve que la patience est à bout même dans les cercles traditionnellement proches du mouvement chiite.
L’armée libanaise prise en étau
Au centre de cette tempête, l’armée libanaise tente de remplir une mission quasi impossible. Elle a bien présenté un plan de déploiement au gouvernement. Elle s’est engagée à démanteler progressivement les infrastructures militaires au sud du Litani. Mais chacun sait que sans accord politique interne, toute action risque de déclencher une crise majeure.
Le président de la République, le général Joseph Aoun, a défendu bec et ongles ses troupes mercredi. Il a rejeté les accusations israéliennes selon lesquelles Beyrouth traînerait volontairement les pieds. « Ces allégations portent atteinte au rôle de l’armée et remettent en question son travail sur le terrain », a-t-il déclaré, ajoutant qu’elles ne reposaient sur aucune preuve tangible.
Les Nations unies sonnent l’alarme
Jeudi, la coordinatrice spéciale de l’ONU pour le Liban, Jeanine Hennis-Plasschaert, a rencontré le président Aoun. Son diagnostic est sans appel : l’incertitude domine toujours, un an après le cessez-le-feu. Pour des millions de Libanais, le conflit continue, même à une intensité moindre.
« Il n’y a pas besoin d’une boule de cristal pour comprendre que tant que le statu quo persistera, le spectre de nouvelles hostilités planera »
Jeanine Hennis-Plasschaert, coordinatrice spéciale de l’ONU
Ses mots résonnent comme un avertissement. Car derrière les communiqués et les déclarations officielles, la réalité sur le terrain est bien plus sombre.
Pourquoi cette escalade maintenant ?
Plusieurs facteurs se combinent. D’abord, Israël considère que le Hezbollah profite du cessez-le-feu pour reconstituer ses arsenaux, acheminés via la Syrie malgré les frappes répétées sur les axes de ravitaillement. Ensuite, la mort du chef militaire dimanche a porté un coup dur à la chaîne de commandement du mouvement, mais elle a aussi renforcé la détermination israélienne de maintenir la pression.
Enfin, le contexte régional joue un rôle déterminant. L’Iran, principal soutien du Hezbollah, traverse une période de fragilité interne et externe. Téhéran a moins de marge de manœuvre pour répondre directement, ce qui peut inciter Israël à pousser son avantage.
Et demain ?
Personne n’ose prédire la suite avec certitude. Certains observateurs estiment que nous assistons à une forme de « guerre froide chaude » : des frappes ciblées, des escarmouches, mais pas (encore) de retour à l’offensive terrestre massive de 2024.
D’autres, plus pessimistes, y voient les prémices d’un nouvel embrasement. Le moindre incident mal interprété pourrait servir de détonateur. Et dans ce scénario, le Liban, déjà exsangue économiquement et politiquement, serait une nouvelle fois la principale victime.
Un an après un cessez-le-feu qui devait ramener la paix, le Liban sud retentit encore du bruit des bombes. L’espoir d’une désescalade durable semble s’éloigner un peu plus chaque jour. Et la question que tout le monde se pose reste sans réponse : jusqu’à quand ?









