En pleine crise diplomatique avec l’Algérie, la France envisage de remettre en cause l’accord bilatéral de 1968 régissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants algériens sur son territoire. Une annonce choc du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui intervient dans un contexte de vives tensions entre Paris et Alger.
Un accord historique remis en question
Signé le 27 décembre 1968, cet accord crée un statut unique pour les Algériens en matière de circulation, de séjour et d’emploi en France. Relevant du droit international, il prime sur le droit français et facilite grandement l’immigration algérienne :
- Entrée sans visa de long séjour
- Liberté d’établissement pour les commerçants et professions indépendantes
- Accès rapide à un titre de séjour de 10 ans
Mais pour Bruno Retailleau, cet accord est désormais « daté » et a « déformé » l’immigration algérienne. « Il n’a plus lieu d’être » a-t-il affirmé, souhaitant le « remettre sur la table ».
Une décision motivée par des « gestes d’agression »
Le ministre justifie cette décision par « l’agressivité » dont ferait preuve Alger vis-à-vis de Paris. Il cite notamment le refus de l’Algérie d’accueillir un de ses ressortissants expulsé de France, un influenceur muni pourtant d’un « passeport biométrique ». Un épisode vécu comme une « humiliation » côté français.
Bruno Retailleau mentionne également le cas de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien emprisonné en Algérie. « La fierté française a été blessée par l’offense que l’Algérie a faite à la France » estime-t-il.
On est allé au bout du bout (…) Je suis favorable à des mesures fortes car sans rapport de forces, on y arrivera pas.
Bruno Retailleau, ministre français de l’Intérieur
Un point de non-retour dans les relations franco-algériennes ?
Cette menace de remettre en cause l’accord de 1968 marque une nouvelle escalade dans la dégradation des liens entre la France et son ancienne colonie. Les relations n’ont cessé de se tendre ces derniers mois sur fond de différends mémoriels liés à la guerre d’Algérie et de restrictions des visas accordés aux Algériens.
En brandissant la fin de ce texte fondateur, le gouvernement français franchit un cap et se dit prêt à user de moyens de pression forts. Un virage susceptible de durcir encore les positions de part et d’autre de la Méditerranée et d’impacter durablement les liens humains, économiques et culturels tissés depuis l’indépendance.
Côté algérien, cette annonce risque d’être perçue comme une nouvelle provocation. Elle pourrait compliquer un peu plus le dialogue, déjà réduit au minimum, entre les deux pays, et hypothéquer les chances de normalisation à court terme. Beaucoup craignent qu’on assiste à un point de non-retour, sauf effort des deux parties pour retrouver le chemin de l’apaisement.
Quelles conséquences pour l’immigration algérienne ?
Si la France mettait à exécution sa menace, le droit commun en matière d’immigration s’appliquerait aux Algériens. Finie la libre-circulation, il leur faudrait demander un visa pour venir en France, plus difficile à obtenir.
Ceux voulant s’installer comme indépendants devraient solliciter une autorisation. L’accès à un titre de séjour de longue durée pourrait aussi être retardé. Des changements susceptibles de freiner et compliquer l’immigration en provenance d’Algérie.
Fin de l’exception algérienne ou coup de bluff pour faire pression sur Alger ? Une chose est sûre : la remise en cause de cet accord historique constituerait un séisme diplomatique et un tournant majeur dans les relations franco-algériennes. Affaire à suivre de près dans les prochaines semaines.