Il y a des lieux qui cristallisent tous les maux d’un quartier. À Lyon, dans le secteur de la Guillotière, le Café DZ, situé au 12 rue Montebello, était devenu exactement cela : un repaire, un refuge, un symbole. Le 24 novembre 2025, le préfet a tranché : fermeture administrative pour trois mois de l’établissement et du salon de coiffure adjacent. Une décision rare, lourde de sens, qui vient couronner des mois d’observations policières accablantes.
La Guillotière : un quartier sous tension permanente
Difficile de parler du Café DZ sans évoquer le contexte. Depuis plusieurs années, la place Gabriel-Péri et les rues avoisinantes concentrent une délinquance de rue particulièrement visible. Ventes à la sauvette, trafics en tout genre, consommation ostentatoire d’alcool et de stupéfiants, bagarres récurrentes… Les habitants, les commerçants honnêtes et même les touristes de passage décrivent la même sensation : celle d’un territoire où la loi semble avoir déserté certains trottoirs.
Dans ce décor, le Café DZ n’était pas un simple bar de quartier. Les rapports de police successifs, accumulés tout au long de l’été et de l’automne 2025, le désignent sans ambiguïté comme un pivot central de l’économie parallèle locale. Objets volés qui transitent, deals conclus sur la terrasse ou à l’abri des regards à l’intérieur, individus recherchés qui s’y réfugient le temps de disparaître dans la foule… Le tableau est complet.
Un arrêté préfectoral qui ne laisse place à aucune ambiguïté
Le texte de l’arrêté est particulièrement sévère. Il évoque « un point central de recel et de trafic en tous genres » et précise que les gérants n’interviennent jamais lorsque des individus manifestement impliqués dans ces activités utilisent la terrasse ou se replient à l’intérieur pour échapper aux forces de l’ordre. Autrement dit : une complaisance, volontaire ou subie, qui a fini par coûter cher à l’exploitant.
« Les individus utilisent régulièrement la terrasse de ces établissements dans ces trafics et se réfugient à l’intérieur, sans l’intervention des gérants. »
Extrait de l’arrêté préfectoral du 24 novembre 2025
La mesure concerne à la fois le café et le salon de coiffure « Orani Coiffure Bibi Services », les deux étant exploités par la même société. Une fermeture croisée qui montre que les autorités ont voulu frapper large pour couper court à toute tentative de contournement.
Des mois d’observations qui ont tout changé
Ce n’est pas une décision tombée du ciel. Entre juillet et octobre 2025, les fonctionnaires de police ont multiplié les constatations. Des interpellations pour détention de stupéfiants juste devant la terrasse, des sacs remplis de téléphones portables volés récupérés à l’intérieur, des personnes sous le coup d’un mandat d’arrêt repérées attablées tranquillement… La liste est longue.
À plusieurs reprises, les agents ont même dû pénétrer dans l’établissement pour procéder à des arrestations, face à l’inaction totale du personnel. Un comportement qui, à lui seul, justifie la qualification de « trouble à l’ordre public » retenue par la préfecture.
Les riverains : entre soulagement et scepticisme
Pour ceux qui vivent ou travaillent autour de la rue Montebello, la nouvelle a été accueillie avec un mélange de satisfaction et de prudence. Satisfaction, car ce café concentré une grande partie des nuisances qu’ils subissent au quotidien. Prudence, car beaucoup se demandent si trois mois suffiront à changer durablement la donne.
« On verra à la réouverture », confie une commerçante voisine qui préfère rester anonyme. « Si c’est pour que tout recommence dès le premier jour, autant dire que ça n’aura servi à rien. Mais au moins, pendant trois mois, on va respirer. »
D’autres habitants pointent du doigt un problème plus vaste : la présence massive, jour et nuit, de groupes qui occupent l’espace public sans que personne n’ose vraiment les déloger durablement. Le Café DZ n’était qu’un symptôme, disent-ils. Fermer un bar ne suffira pas si les effectifs policiers restent insuffisants et si les réponses judiciaires continuent d’être perçues comme trop clémentes.
Une mesure parmi d’autres dans un plan plus large ?
La fermeture du Café DZ s’inscrit dans une série d’actions menées ces derniers mois dans le quartier. Renforcement des patrouilles, installation de caméras supplémentaires, verbalisations massives contre la vente à la sauvette… Le préfet semble décidé à tenir la promesse de « reconquête républicaine » faite à plusieurs reprises.
Mais les habitants attendent des actes concrets et durables. Car fermer un établissement trois mois, c’est bien. Empêcher qu’un autre prenne immédiatement le relais, c’est mieux. Et surtout, redonner aux Lyonnais l’envie de fréquenter à nouveau leur propre quartier sans crainte, ce serait l’objectif ultime.
En attendant, la terrasse du Café DZ reste désespérément vide. Les chaises empilées, le rideau baissé, le néon éteint. Pour la première fois depuis longtemps, la rue Montebello respire un peu. Reste à savoir si ce répit sera le début d’un vrai retournement… ou simplement une parenthèse.
À retenir : La fermeture administrative prononcée le 24 novembre 2025 concerne deux établissements exploités par la même société et repose sur des mois de constatations policières accablantes. Une mesure forte, mais qui ne résoudra rien si elle reste isolée.
La Guillotière mérite mieux qu’un statut de zone de non-droit tolérée. Ses habitants, ses commerçants, ses étudiants aussi. La décision prise contre le Café DZ est un signal. Espérons qu’il sera suivi de beaucoup d’autres.









