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FCA : Les Ultra-Riches Peuvent Désormais Ignorer les Protections

Imaginez pouvoir dire à votre régulateur : « Merci pour les protections, mais je n’en veux pas. » C’est exactement ce que la FCA vient d’autoriser pour les clients détenant 10 millions £ en cash. Cette décision va-t-elle creuser un fossé irréversible entre les ultra-riches et les investisseurs ordinaires ? La réponse risque de vous surprendre…

Et si, demain, votre voisin millionnaire décidait purement et simplement de ne plus être protégé par les règles qui vous protègent, vous ? C’est exactement ce qui vient de se produire au Royaume-Uni. Mardi 9 décembre 2025, la Financial Conduct Authority a publié une série de réformes qui font l’effet d’une petite bombe dans le monde de la finance britannique.

Une mesure choc : 10 millions de livres en cash et adieu les garde-fous

Désormais, toute personne physique détenant au moins 10 millions de livres sterling en liquidités (environ 13,3 millions de dollars) peut demander à être reclassée comme « client professionnel électif ». Conséquence directe : elle échappe à la fameuse Consumer Duty, ce texte entré en vigueur en 2023 et qui oblige les sociétés financières à agir « dans le meilleur intérêt » de leurs clients retail.

Autrement dit, les banques et gestionnaires de fortune pourront vendre à ces ultra-riches des produits plus risqués, moins transparents, sans craindre les sanctions de la FCA. Un retour en arrière ? Ou une reconnaissance réaliste que certains investisseurs n’ont pas besoin de la même main protectrice que madame Michu et son plan d’épargne retraite ?

Pourquoi la FCA a-t-elle franchi le pas ?

Officiellement, l’objectif est double. D’abord, simplifier et moderniser un cadre hérité en partie de l’Union européenne et jugé trop lourd. Ensuite, encourager les Britanniques à investir davantage en actions et obligations, alors que le pays souffre d’un sous-investissement chronique dans les marchés de capitaux.

Jonathan Lipkin, directeur de la politique à l’Investment Association, ne mâche pas ses mots : cette semaine marque « l’une des plus importantes pour l’investissement retail britannique depuis des années » et signe une véritable divergence post-Brexit avec le continent.

« C’est le moment où nous définissons clairement notre propre chemin, loin des règles européennes. »

Jonathan Lipkin, Investment Association

Adieu PRIIPs, bonjour Consumer Composite Investments

Autre grand changement : exit les fameux documents PRIIPs (Packaged Retail and Insurance-based Investment Products), ces fiches d’information standardisées imposées par Bruxelles et que beaucoup trouvaient illisibles.

À partir de juin 2027, ils seront remplacés par un nouveau régime baptisé Consumer Composite Investments (CCI). Fonds d’investissement, investment trusts, contrats d’assurance-vie à unités de compte : environ 12,5 millions de Britanniques détiennent ce type de produits qui seront désormais soumis à des règles simplifiées.

Concrètement, les coûts seront présentés plus clairement et le lien entre risque et rendement attendu sera mieux mis en avant. Un progrès pour l’investisseur moyen, selon la FCA.

Le test « quantitatif » supprimé : fin d’une faille béante

Jusqu’à présent, il existait une autre porte d’entrée vers le statut professionnel : le fameux « test quantitatif ». Il suffisait de prouver qu’on passait au moins dix ordres significatifs par trimestre sur les marchés pertinents pour être considéré comme expérimenté.

Problème : certains traders amateurs ouvraient des comptes chez plusieurs courtiers et passaient des ordres bidon juste pour atteindre le quota. La FCA a décidé de fermer cette brèche. Désormais, seul le critère patrimonial (ou l’expérience professionnelle avérée dans la finance) comptera.

Les trois voies restantes pour devenir client professionnel « électif » :

  • Détenir au moins 10 millions £ en liquidités ou actifs financiers
  • Avoir travaillé au moins un an dans le secteur financier à un poste exigeant des connaissances sur les produits concernés
  • Posséder un portefeuille d’au moins 500 000 £ et justifier de deux ans d’expérience en trading significatif

Ce que ça change concrètement pour les ultra-riches

Accès à des produits autrefois réservés aux institutionnels : fonds spéculatifs offshore, dérivés complexes, émissions privées, structurés à effet de levier important…

Moins de paperasse et de mises en garde obligatoires. Un gestionnaire pourra proposer un produit à 30 % de volatilité annuelle sans devoir justifier pendant des heures qu’il est « adapté ».

Possibilité de négocier des frais plus bas : les banques justifiaient souvent des tarifications élevées par le coût de la conformité Consumer Duty. Ce coût disparaît pour les clients opt-out.

Et pour l’investisseur moyen ?

Paradoxalement, il pourrait y gagner aussi. Les établissements financiers, débarrassés d’une partie de la charge réglementaire sur leur clientèle la plus fortunée, pourraient réallouer des ressources pour améliorer l’offre retail.

Le nouveau régime CCI promet plus de clarté. Les frais tout-compris seront affichés en pourcentage unique, et les scénarios de performance seront plus réalistes (adieu les projections à +8 % par an sur 20 ans sans mentionner les krachs).

Une divergence assumée avec l’Europe

Pendant que le Royaume-Uni assouplit, l’Union européenne maintient un cadre ultra-protecteur. MiFID II, PRIIPs, DORA… le Vieux Continent continue d’empiler les textes.

Conséquence : Londres espère attirer toujours plus de gestionnaires de fortune et de family offices qui trouvent le cadre continental trop contraignant. La City veut redevenir le hub européen de la gestion privée, même après le Brexit.

Les critiques ne se sont pas fait attendre

Certains y voient un retour à l’époque pré-2008 où les banques vendaient n’importe quoi à n’importe qui, tant que le client signait le waiver. « C’est une porte ouverte aux abus », estime un ancien régulateur contacté par nos soins.

D’autres soulignent l’ironie : la Consumer Duty avait été présentée comme le grand texte de protection post-scandales (Woodford, London Capital & Finance…). Deux ans plus tard, on en dispense déjà les plus riches.

« On protège le petit épargnant, mais on laisse le requin nager sans filet. C’est le monde à l’envers. »

Un gérant de portefeuille londonien, sous couvert d’anonymat

Et dans le monde crypto ?

La décision a immédiatement fait réagir dans la communauté crypto britannique. Beaucoup de whales détenant plusieurs dizaines de millions en bitcoin ou ethereum pourraient remplir le critère des 10 millions £ en cash en vendant une petite partie de leur stack.

Pour ces investisseurs, l’opt-out signifierait pouvoir accéder à des plateformes ou produits dérivés jusqu’ici réservés aux institutionnels, sans les contraintes de la Consumer Duty qui, rappelons-le, s’appliquera pleinement aux crypto-actifs à partir de 2026 au Royaume-Uni.

Certains y voient déjà une nouvelle arme pour Londres dans la course mondiale aux capitaux crypto face à Dubaï, Singapour ou la Suisse.

Conclusion : vers un marché à deux vitesses assumé

Le message de la FCA est clair : celui qui a les moyens de perdre n’a pas besoin qu’on le protège contre lui-même. C’est une philosophie libérale, presque darwinienne de la finance.

Reste à voir si cette différenciation renforcera l’attractivité de la place londonienne sans créer un sentiment d’injustice chez les petits porteurs. Une chose est sûre : le paysage de l’investissement britannique ne sera plus jamais tout à fait le même après ce 9 décembre 2025.

Et vous, qu’en pensez-vous ? La protection doit-elle être universelle, ou est-il légitime de laisser les plus fortunés prendre plus de risques ? La parole est à vous dans les commentaires.

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