Et si un voyage à Jérusalem pouvait effacer des décennies de polémiques ? La semaine prochaine, le président du Rassemblement National (RN) se rendra en Israël pour une conférence inédite contre l’antisémitisme. Une démarche qui intrigue autant qu’elle divise, entre espoir de renouveau et poids d’un passé sulfureux. Car si l’extrême droite française rêve de se débarrasser de son image toxique, les fantômes de l’histoire ne s’effacent pas si facilement.
Un Tournant pour le Rassemblement National
Ce déplacement en Terre sainte n’est pas anodin. Il s’inscrit dans une stratégie de longue date : celle de la **dédiabolisation**, un mot qui revient comme un mantra dans les rangs du parti. Depuis des années, les cadres du RN cherchent à rompre avec l’héritage controversé de son prédécesseur, le Front National, marqué par des déclarations fracassantes sur la Shoah ou des jeux de mots douteux visant la communauté juive.
Pourtant, ce n’est pas la première fois que le parti tente de se réinventer. Dès 2013, un haut responsable expliquait que l’antisémitisme restait le principal frein à l’adhésion des électeurs. En clair : lever ce tabou, c’est ouvrir la voie à une légitimité électorale plus large. Mais entre discours et actes, le chemin est semé d’embûches.
Un Passé Qui Colle à la Peau
Difficile de parler du RN sans évoquer son passé. Les sorties provocatrices de son ancien leader, qualifiant la Shoah de simple “détail” ou visant des personnalités juives avec des insinuations choquantes, ont laissé des traces indélébiles. Ces déclarations, bien que rejetées par la direction actuelle, continuent de hanter le parti comme une ombre tenace.
“C’est l’antisémitisme qui empêche les gens de voter pour nous. Faites sauter ce verrou, et tout devient possible.”
– Un cadre influent du RN, dès 2013
La nouvelle génération, incarnée par des figures montantes, tente de tourner la page. Exclusions de membres controversés, prises de position publiques contre l’antisémitisme : tout est mis en œuvre pour montrer un visage plus acceptable. Mais suffit-il de changer de costume pour effacer les cicatrices ?
Jérusalem : Une Opportunité en Or ?
Ce voyage en Israël pourrait bien être un coup de maître. Invité à une conférence sur la lutte contre l’antisémitisme, le RN partage la scène avec d’autres partis européens d’extrême droite, comme ceux d’Espagne ou de Hongrie. Une occasion unique de se poser en allié d’un État symbolique, tout en s’éloignant des accusations historiques.
Mais l’opération ne convainc pas tout le monde. D’après une source proche, certains membres du gouvernement israélien eux-mêmes se disent mal à l’aise face à cette alliance. Le président israélien a d’ailleurs pris ses distances, signe que l’initiative divise jusqu’au sommet.
- Une conférence symbolique pour montrer un nouveau visage.
- Des alliés européens au passé tout aussi controversé.
- Un accueil mitigé, entre soutien et méfiance.
Une Communauté Juive Française Partagée
Avec environ 500 000 membres, la communauté juive française représente un électorat non négligeable. Et le RN semble avoir marqué des points. Depuis les événements tragiques du 7 octobre, le parti a multiplié les gestes : participation à des manifestations contre l’antisémitisme, discours de soutien à Israël. Résultat ? Une percée électorale dans certains milieux, là où l’extrême droite était autrefois impensable.
Pourtant, le scepticisme persiste. Des intellectuels de renom ont déjà claqué la porte de l’événement à Jérusalem, dénonçant une tentative de “blanchiment” d’un parti au passé trouble. Un expert britannique a même publié une lettre ouverte, mettant en garde contre une légitimation dangereuse.
Un Équilibre Précaire avec Israël
Si le RN mise gros sur ce rapprochement, il doit aussi naviguer dans un contexte régional explosif. Les récents bombardements sur Gaza compliquent l’équation. Soutenir Israël sans réserve pourrait raviver des critiques internes et externes. “Il ne faut pas apparaître trop proche du gouvernement actuel”, confie un député du parti, conscient du risque de surenchère.
Entre volonté de rupture et prudence stratégique, le RN joue une partie serrée. Car si l’antisémitisme reste un boulet à traîner, une posture trop pro-israélienne pourrait aussi aliéner une partie de son électorat traditionnel.
Les Adversaires en Embuscade
Face à cette offensive, les opposants ne désarment pas. Ils pointent du doigt les contradictions : des candidates aux propos douteux lors des dernières élections, des liens passés avec des milieux extrémistes. Même si le parti a officiellement pris ses distances, ces accusations continuent de planer comme une menace.
Et puis il y a la gauche radicale, désormais dans le viseur pour ses propres ambiguïtés sur la question de l’antisémitisme. Un retournement ironique qui offre au RN un boulevard inattendu : celui de se poser en rempart face à un nouvel ennemi.
Un Pari Risqué mais Calculé
Ce voyage à Jérusalem, c’est bien plus qu’une simple conférence. C’est une opération de communication savamment orchestrée, avec en ligne de mire les élections de 2027. Le RN veut prouver qu’il a changé, qu’il peut être un parti fréquentable, loin des démons de ses origines.
Mais les résistances sont tenaces. Entre méfiance de la communauté juive, critiques des intellectuels et ambiguïtés géopolitiques, le chemin vers la respectabilité est encore long. Une chose est sûre : ce déplacement ne laissera personne indifférent.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Le RN peut-il vraiment tourner la page de son passé, ou ce voyage n’est-il qu’un écran de fumée ?
À l’heure où la politique française se fracture, ce pari audacieux pourrait redessiner les lignes. Reste à savoir si les électeurs suivront, ou si l’histoire, elle, ne pardonnera pas.
