À l’approche de la COP29, qui se tiendra du 11 au 22 novembre à Bakou, un vent de contestation souffle. Plus d’une centaine d’ONG, dont les Amis de la Terre, 350.org, Greenpeace et Reclaim Finance, ont adressé une lettre au commissaire européen au Climat, Wopke Hoekstra, pour réclamer l’exclusion des lobbyistes des énergies fossiles des délégations de l’UE. Cette demande sans précédent met en lumière les enjeux cruciaux de cette conférence pour l’avenir de notre planète.
Un “conflit d’intérêt fondamental et irréconciliable”
Selon une analyse de la campagne “Kick Big Polluters Out”, lors de la précédente COP28 à Dubaï, l’UE et ses États membres ont accueilli plus de 130 lobbyistes des énergies fossiles au sein de leurs délégations. Les signataires de la lettre pointent notamment du doigt la présence de hauts responsables de BP, d’Eni et du lobbyiste en chef d’ExxonMobil à Bruxelles dans l’équipe de la Commission européenne.
Est-ce que l’UE emmènerait des lobbyistes du tabac à une conférence mondiale sur la santé ?
– extrait de la lettre des ONG
Pour ces associations, la présence de représentants des industries pétrolières et gazières constitue un “conflit d’intérêt fondamental et irréconciliable”. Elles pressent l’UE de ne plus les intégrer dans ses délégations, que ce soit pour la COP29 ou les suivantes.
Une délégation européenne sans “aucun lobbyiste” ?
Interrogée par l’AFP, une source européenne a assuré que la délégation de l’UE à la COP28 ne comptait “aucun lobbyiste”. Elle précise cependant que des badges d’accès ont été attribués à “des gens qui ont été invités à parler à des événements parallèles”. Ces badges “party overflow” permettent d’accéder à la zone principale de la conférence, mais n’offrent pas les mêmes privilèges que ceux des délégations officielles.
L’entourage du commissaire Wopke Hoekstra indique qu'”il ne devrait pas être nécessaire d’accréditer des participants avec ces badges +party overflow+” pour la COP29, faute de programme d’événements parallèles prévu par l’UE cette année.
Les enjeux de la COP29 pour le climat
Au-delà de la question des lobbyistes, cette 29e Conférence des Parties s’annonce cruciale pour la lutte contre le réchauffement climatique. Après l’accord historique de Paris en 2015, qui visait à contenir le réchauffement “nettement en dessous de 2°C” par rapport à l’ère pré-industrielle, les efforts doivent s’intensifier pour atteindre cet objectif ambitieux.
Parmi les points clés qui seront discutés :
- Le relèvement des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre des États
- Le financement des mesures d’adaptation et d’atténuation pour les pays en développement
- La question des “pertes et préjudices” subis par les pays les plus vulnérables
- La finalisation des règles de mise en œuvre de l’accord de Paris
Pour beaucoup d’observateurs, l’exclusion des influences des énergies fossiles apparaît comme un prérequis indispensable pour des négociations climatiques réellement ambitieuses et équitables. Reste à savoir si l’appel des ONG sera entendu par l’UE et les autres délégations.
Un test pour la crédibilité climatique de l’Europe
Au-delà des enjeux planétaires, c’est aussi la crédibilité de l’UE en matière de leadership climatique qui est en jeu. Alors que l’Europe s’est positionnée en chef de file de la transition énergétique avec son Pacte vert, la présence de lobbyistes des énergies fossiles dans ses rangs à la COP enverrait un signal pour le moins ambigu.
D’autant que cette demande d’exclusion intervient dans un contexte de méfiance croissante envers l’influence des lobbies dans les processus de décision politique. Des scandales comme les “Uber Files” ont récemment mis en lumière l’ampleur des pratiques de lobbying agressif de certaines multinationales pour façonner les réglementations en leur faveur.
Pour les défenseurs de la transparence et de l’intégrité démocratique, bannir les représentants des industries polluantes des négociations sur le climat apparaît donc comme une évidence. Et un test pour la Commission européenne et les États membres, qui devront démontrer leur capacité à résister à ces pressions pour préserver l’intérêt général.
Quelle position pour la France ?
La France, qui s’est souvent présentée comme un moteur de l’action climatique en Europe et dans le monde, sera particulièrement scrutée. D’après une source proche du dossier, la position officielle française n’a pas encore été arrêtée concernant la présence de lobbyistes fossiles dans sa délégation pour la COP29.
Mais plusieurs voix s’élèvent d’ores et déjà pour réclamer une ligne dure sur ce sujet. Des députés écologistes ont interpellé le gouvernement, appelant à la “fin de l’impunité des multinationales écocidaires”. Des associations comme Notre Affaire à Tous, à l’origine de la campagne l’Affaire du Siècle qui a conduit à la condamnation de l’État pour inaction climatique, plaident également pour leur exclusion.
La décision française, et plus largement européenne, sera donc suivie de près. Elle pourrait créer un précédent et inciter d’autres pays à revoir la composition de leurs délégations. Un pas de plus vers des COP réellement tournées vers l’action climatique, et non la défense d’intérêts privés ? Les prochaines semaines nous le diront.
En attendant, une chose est sûre : la pression monte pour des négociations climatiques plus transparentes, plus justes et plus ambitieuses. Et cela passe aussi par un éclairage sans complaisance sur ceux qui y participent et cherchent à les influencer.