Un rapport accablant publié mercredi par le HMICFRS, l’organisme de supervision de la police britannique, révèle que les forces de l’ordre ont gravement sous-estimé la montée des violences et l’impact de la désinformation qui ont culminé avec les émeutes racistes de l’été 2024 au Royaume-Uni. Ce constat alarmant soulève de sérieuses questions sur la capacité de la police à anticiper et à gérer de tels débordements.
Le meurtre déclencheur et la vague de violences
Tout a commencé le 29 juillet 2024, lorsque trois fillettes ont été assassinées lors d’un cours de danse à Southport, dans le nord-ouest de l’Angleterre. Ce crime odieux a mis le feu aux poudres, déclenchant des émeutes anti-immigration d’une rare intensité dans des dizaines de villes à travers l’Angleterre et l’Irlande du Nord. Des mosquées et des hôtels hébergeant des demandeurs d’asile ont été pris pour cible par des émeutiers déchaînés.
La police prise au dépourvu
Selon l’inspecteur en chef Andy Cooke, cité dans le rapport, la police ne disposait pas d’une évaluation correcte de la montée de la violence dans le pays avant ces événements tragiques. Une série d’incidents violents et de troubles à l’ordre public survenus entre 2023 et 2024 aurait dû servir de signal d’alarme et pousser les forces de l’ordre à réévaluer la menace.
Il y a eu des lacunes dans le renseignement, en particulier en ce qui concerne l’analyse des réseaux sociaux et des contenus du dark web, et personne ne semblait comprendre ou être en mesure de contrer les causes et les effets de la désinformation.
Andy Cooke, inspecteur en chef du HMICFRS
Le rôle clé de la désinformation
La diffusion de rumeurs fallacieuses sur les réseaux sociaux a joué un rôle majeur dans l’embrasement. Le suspect du meurtre des fillettes, bien que né au Royaume-Uni de parents rwandais, a été présenté à tort par d’influents comptes d’extrême droite comme un demandeur d’asile musulman. Cette désinformation a attisé la haine et la xénophobie, conduisant à une explosion de violences racistes qui a duré près d’une semaine.
Des signes avant-coureurs ignorés
Le rapport souligne que plusieurs événements dans les mois précédant les émeutes portaient déjà la marque d’un « sentiment nationaliste extrême » et d’un risque de grave désordre public :
- Incidents en 2023 sur des sites d’hôtels accueillant des demandeurs d’asile en Angleterre et au Pays de Galles
- Affrontements le 11 novembre 2023 à Londres entre policiers et militants nationalistes
- Grande manifestation menée le 27 juillet 2024 par l’agitateur d’extrême droite Tommy Robinson, deux jours avant l’attaque meurtrière de Southport
Une réaction tardive aux émeutes
Une fois les émeutes déclenchées, la réponse policière a elle aussi été pointée du doigt. Andy Cooke estime que « la décision de coordonner et mobiliser les agents chargés du maintien de l’ordre à l’échelle nationale a été prise trop tardivement« . Les violences ont fait 302 blessés dans les rangs de la police et ont été les plus importantes dans le pays depuis 2011.
Un lourd bilan judiciaire
A ce jour, 417 personnes ont été condamnées dans tout le pays pour leur participation à ces émeutes, dont 369 à de la prison ferme, selon un décompte de l’agence de presse PA. Un bilan qui témoigne de l’ampleur de ces violences racistes qui ont profondément choqué le Royaume-Uni.
Ce rapport du HMICFRS constitue un réquisitoire accablant contre les failles du renseignement policier et l’incapacité à endiguer la montée de la haine raciale nourrie par la désinformation. Il appelle à une profonde remise en question des pratiques pour éviter qu’un tel déferlement de violences ne se reproduise. La police britannique parviendra-t-elle à tirer les leçons de ces événements tragiques ?