La Namibie, pays d’Afrique australe réputé pour sa stabilité politique, se retrouve au cœur d’une crise institutionnelle sans précédent depuis son indépendance en 1990. Au lendemain d’élections présidentielles marquées par de graves dysfonctionnements, l’opposant Panduleni Itula a jeté un pavé dans la mare en refusant de reconnaître les résultats du scrutin.
Arrivé deuxième lors de la précédente élection en 2019, cet ancien dentiste et avocat de 67 ans, qui concourait cette fois-ci sous la bannière des Patriotes indépendants pour le changement (IPC), a dénoncé des élections « ni libres, ni équitables, ni légitimes ». Pointant du doigt les nombreuses défaillances organisationnelles qui ont empêché de nombreux Namibiens d’exercer leur droit de vote, il a annoncé son intention de faire annuler le scrutin « via les procédures prévues ».
Un scrutin sous haute tension
Initialement prévues sur une seule journée mercredi, ces élections à l’issue incertaine ont dû être prolongées à deux reprises jusqu’à samedi soir, témoignant de l’ampleur des dysfonctionnements. Face aux difficultés rencontrées, la commission électorale avait décidé dans un premier temps de laisser certains bureaux de vote ouverts tard dans la nuit, avant de se résoudre à étendre le scrutin de 48 heures supplémentaires.
Un cafouillage qui a attisé les tensions dans un pays où la patience des électeurs, notamment des jeunes frappés par un chômage massif, s’est sérieusement émoussée après des décennies de pouvoir sans partage de la Swapo, l’ex-parti de la lutte pour l’indépendance. Malgré les promesses de développement, les inégalités restent criantes dans ce pays riche en ressources minières.
Une fronde inédite contre le parti historique
Consciente de cette grogne croissante, la Swapo avait tenté un coup politique en désignant pour la première fois une femme, Netumbo Nandi-Ndaitwah, pour porter ses couleurs à la présidentielle. Mais cette ancienne ministre des Affaires étrangères n’a pas suffi à endiguer le mécontentement, laissant augurer d’un second tour inédit face à un Panduleni Itula renforcé par la dynamique protestataire.
En 2019 déjà, le président Hage Geingob, décédé en février dernier, n’avait été réélu qu’avec 56% des voix au premier tour, un score historiquement bas pour le parti hégémonique. Un signal d’alarme qui n’a visiblement pas été suffisamment entendu.
Nous ne pouvons qualifier ces élections de libres, équitables et légitimes, quel que soit le résultat.
Panduleni Itula, candidat de l’opposition
Vers une crise politique majeure ?
En réclamant l’annulation pure et simple du scrutin, Panduleni Itula ouvre la voie à une bataille juridique et politique qui pourrait durablement ébranler le système politique namibien. Un scénario catastrophe pour ce pays qui s’enorgueillissait jusqu’ici de sa stabilité démocratique dans une région du monde régulièrement secouée par des contestations post-électorales violentes.
Face à cette crise inédite, tous les regards sont désormais tournés vers les instances chargées de valider ou non les résultats. La commission électorale et la Cour suprême, garantes en dernier ressort du bon déroulement des opérations, joueront un rôle crucial dans les prochains jours. De leurs décisions dépendra l’avenir politique de la Namibie, et plus largement la solidité de son modèle démocratique.
Une chose est sûre : après des décennies de domination sans partage, la Swapo se retrouve plus que jamais sur la sellette. Attaquée sur son bilan, contestée dans les urnes, elle va devoir se réinventer pour espérer conserver son hégémonie. Faute de quoi, c’est tout l’édifice politique namibien qui pourrait vaciller sur ses bases.
À l’heure où de nombreux pays africains s’efforcent de consolider leurs institutions démocratiques, l’exemple namibien vient rappeler la fragilité des acquis et la nécessité d’une vigilance de tous les instants. Car même les démocraties les plus solides ne sont jamais à l’abri d’un dérapage.