Au lendemain du second tour des élections législatives en France, les marchés financiers retiennent leur souffle. La victoire surprise du Nouveau Front Populaire, une coalition de partis de gauche radicale, laisse planer un voile d’incertitude sur l’économie française et européenne. Les investisseurs, pris de court par ces résultats inattendus, s’interrogent sur les conséquences politiques et économiques de ce séisme électoral.
Un vent d’instabilité souffle sur la Bourse de Paris
Dès l’ouverture de la Bourse de Paris ce lundi matin, les principaux indices ont viré au rouge. Le CAC 40, baromètre phare de la place parisienne, a perdu jusqu’à 2,5% dans les premiers échanges avant de se stabiliser autour de -1,8% en fin de matinée. Les valeurs bancaires et les grandes entreprises dépendantes des contrats publics sont particulièrement touchées par ce mouvement de défiance.
Cette réaction des marchés n’est pas une surprise. Déjà, au lendemain de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale par Emmanuel Macron le 9 juin dernier, le CAC 40 avait perdu 1,35%. La perspective d’une arrivée au pouvoir de l’extrême gauche ou de l’extrême droite inquiétait les investisseurs. Aujourd’hui, avec une majorité relative pour le Nouveau Front Populaire, ces craintes se concrétisent.
La France emprunte à des taux plus élevés
Sur le marché obligataire aussi, les tensions sont palpables. Le taux d’emprunt à 10 ans de la France a bondi de près de 0,20 point ce matin pour atteindre 3,22%. Signe d’une défiance accrue des investisseurs, l’écart avec le taux allemand (le spread) s’est creusé à 69 points de base, contre 68 points vendredi.
Les marchés financiers ont horreur de l’incertitude et de l’instabilité politique. Or, avec ces résultats électoraux, la France entre dans une période trouble.
– Éric Dor, Directeur des études économiques à l’IESEG School of Management
Des réformes économiques remises en cause
Au-delà de la réaction immédiate des marchés, ce sont les orientations économiques de la France pour les prochaines années qui suscitent l’inquiétude. Le programme du Nouveau Front Populaire prévoit notamment :
- L’abrogation de la réforme des retraites de 2023
- Une hausse significative des dépenses publiques
- Une taxation accrue des hauts revenus et du capital
- Des nationalisations dans certains secteurs jugés stratégiques
Autant de mesures qui vont à l’encontre des politiques menées ces dernières années pour assainir les finances publiques et améliorer la compétitivité des entreprises françaises. Leur mise en œuvre pourrait creuser le déficit et fragiliser l’attractivité économique de la France.
L’épargne des Français dans le viseur ?
Autre sujet d’inquiétude : les déclarations de certains leaders du Nouveau Front Populaire sur une possible mobilisation de l’épargne des Français pour « reprendre en main la dette publique ». Si une telle mesure semble difficilement applicable en l’état, elle jette un froid parmi les épargnants et les investisseurs.
On ne peut écarter le risque d’une fuite des capitaux si l’épargne venait à être remise en cause. Dans un contexte de fort endettement, la confiance des investisseurs est cruciale.
– Isabelle Jouvenal, analyste économique et financière
Un nouveau rapport de force à l’Assemblée Nationale
Avec seulement une majorité relative, le Nouveau Front Populaire va devoir composer avec les autres forces politiques à l’Assemblée Nationale. Les négociations et les compromis seront nécessaires pour faire adopter les projets de loi.
Pour certains observateurs, cette situation pourrait conduire à une forme de paralysie politique, préjudiciable à la prise de décision économique. D’autres y voient au contraire une opportunité de débattre et de rassembler autour de réformes plus consensuelles.
Les marchés financiers en quête de visibilité
Dans ce contexte d’incertitude politique et économique, les marchés financiers vont scruter attentivement les premiers pas du nouveau gouvernement et de la nouvelle assemblée. La composition du gouvernement, le discours de politique générale et les premiers projets de loi seront décortiqués pour tenter d’y déceler le cap économique des prochaines années.
En attendant, la prudence reste de mise chez les investisseurs. Entre attentisme et légère défiance, la Bourse de Paris et les taux d’emprunt français pourraient connaître encore quelques soubresauts dans les prochains jours et les prochaines semaines. Le temps que la nouvelle donne politique se décante et que la visibilité s’améliore.