Imaginez partir de chez vous, porté par l’espoir d’un avenir meilleur, pour vous retrouver enfermé dans une prison cauchemardesque, loin de tout ce que vous connaissez. C’est l’histoire de Mervin Yamarte, un Vénézuélien de 29 ans qui a quitté son pays pour les États-Unis, en quête du rêve américain. Mais son périple a pris une tournure dramatique : arrêté, expulsé, puis jeté dans une prison de haute sécurité au Salvador, il a vécu un enfer qui l’a marqué à jamais. Voici le récit poignant de son odyssée, entre espoirs brisés et résilience face à l’inhumanité.
Du Venezuela aux États-Unis : un voyage périlleux
Mervin Yamarte n’est pas un cas isolé. Comme des millions de Vénézuéliens, il a fui son pays en crise, espérant offrir une vie meilleure à sa famille. En septembre 2023, accompagné de son frère cadet Jonferson, il entreprend un voyage semé d’embûches. Leur destination ? Les États-Unis, symbole d’opportunités. Mais avant d’atteindre le sol américain, ils doivent affronter un obstacle redoutable : la jungle du Darien, un passage hostile entre la Colombie et le Panama.
Cette traversée est un cauchemar. Les migrants y risquent leur vie face aux groupes criminels, aux animaux sauvages et à un terrain impitoyable. Beaucoup n’en réchappent pas. Mervin et Jonferson, rejoints plus tard par leur frère aîné Juan, parviennent à surmonter cette épreuve. Arrivés au Texas, Mervin trouve du travail dans un restaurant de tortillas et dans la construction, un premier pas vers la stabilité qu’il recherchait.
« Je voulais juste envoyer de l’argent à ma famille, leur offrir un avenir », confie Mervin, le regard encore hanté par son périple.
Une arrestation brutale et une expulsion inattendue
Le 13 mars 2025, tout bascule. À Dallas, Mervin est arrêté par les autorités migratoires américaines. Deux jours plus tard, il est envoyé au Salvador, sans jugement, sur la base d’une obscure loi de 1798 permettant l’expulsion d’ennemis étrangers. Cette mesure, rarement utilisée hors temps de guerre, s’inscrit dans une vague d’expulsions massives initiée sous la présidence de Donald Trump, revenu au pouvoir en janvier 2025.
Mervin n’est pas seul. Avec 251 autres Vénézuéliens, il est accusé, sans preuve, d’appartenir au gang Tren de Aragua, une organisation criminelle vénézuélienne. Leur crime apparent ? Des tatouages, comme celui de Mervin, qui porte le nom de sa mère et de sa femme. Pour l’administration américaine, ces marques suffisent à justifier leur expulsion vers le Centre de confinement du terrorisme (Cecot), une prison de haute sécurité au Salvador.
Cette vague d’expulsions, qualifiée de « plus grand programme d’expulsion de l’histoire américaine », reflète une politique migratoire inflexible, visant à dissuader les migrants par la peur.
L’enfer du Cecot : un cauchemar carcéral
À leur arrivée au Cecot, situé à 75 kilomètres de San Salvador, les détenus sont accueillis par des mots glaçants : « Bienvenue en enfer. » Le directeur de la prison, un symbole de l’autorité brutale, leur promet des années de souffrance. Mervin, comme ses compatriotes, est rasé, vêtu d’un uniforme blanc et plongé dans un univers de violence et d’isolement.
Les conditions de détention sont inhumaines. Les prisonniers, entassés dans des cellules surpeuplées, n’ont ni accès à la lumière du jour ni contact avec l’extérieur. Les coups sont constants, la nourriture avariée, l’eau impropre à la consommation. Les douches, prises à 4 heures du matin, sont un luxe surveillé, où tout écart entraîne des punitions brutales.
« C’était une torture totale. J’ai des marques sur tout le corps », témoigne Mervin, montrant les cicatrices de son calvaire.
Les 252 Vénézuéliens sont regroupés dans le pavillon 8, un hangar de 32 cellules de 100 m², chacune prévue pour 80 détenus. Pas de matelas, juste des lits en métal. Les sanitaires, infestés de champignons, sont à peine utilisables. Pour tromper l’ennui, les prisonniers fabriquent des dés en tortilla ou des pions en savon, jouant à l’insu des gardiens.
Mutineries et répression brutale
Face à la violence incessante, les détenus se rebellent à deux reprises. La première mutinerie éclate lorsqu’un prisonnier, roué de coups, s’effondre. Les détenus jettent de l’eau et des objets pour protester. Une seconde révolte suit, après une nouvelle agression. Les gardiens ripostent avec des balles en caoutchouc, intensifiant la répression.
Edwuar Hernandez, un autre détenu, montre ses cicatrices : « Ils nous battaient, marchaient sur nos menottes. » Certains, placés à l’isolement dans des cellules minuscules, s’évanouissent sous la chaleur et le manque d’air. Les témoignages convergent : le Cecot est un lieu de torture physique et psychologique.
Aspect | Conditions au Cecot |
---|---|
Hébergement | Cellules surpeuplées, lits en métal sans matelas |
Hygiène | Sanitaires insalubres, douches à 4h du matin |
Nourriture | Avariée, eau non potable |
Traitement | Coups constants, isolement punitif |
Un flou juridique total
Ce qui rend l’expérience du Cecot encore plus terrifiante, c’est l’absence de cadre légal. Les détenus n’ont ni accès à des avocats ni droit de visite. Les accusations portées contre eux, souvent basées sur des tatouages mal interprétés, ne reposent sur aucune preuve tangible. Selon des experts, le gang Tren de Aragua n’utilise pas les tatouages comme signe distinctif, contrairement à ce qu’affirme l’administration américaine.
Le procureur vénézuélien Tarek William Saab a ouvert une enquête contre le président salvadorien Nayib Bukele pour torture et mauvais traitements, s’appuyant sur les témoignages des détenus. Parmi eux, Andry Hernandez, 33 ans, affirme avoir été agressé sexuellement par des gardes. Ces récits, corroborés par des organisations comme Human Rights Watch, parlent de « disparitions forcées » et de « détentions arbitraires ».
« C’est un trou noir juridique. Les avocats n’ont ni accès ni recours », déplore Juan Pappier, sous-directeur pour les Amériques de Human Rights Watch.
Le retour au Venezuela : un soulagement teinté de traumatismes
Le 18 juillet 2025, après quatre mois de calvaire, Mervin et la plupart des 252 Vénézuéliens sont libérés et rapatriés. À leur arrivée à Maracaibo, Mervin brûle son short blanc, symbole de son emprisonnement. Il retrouve sa mère, sa femme et sa fille de six ans dans le quartier modeste de Los Pescadores. Mais les cicatrices, physiques et mentales, restent.
Jonferson, terrifié par l’arrestation de son frère, avait déjà fui les États-Unis pour rentrer au Venezuela via le Mexique. Juan, lui, reste aux États-Unis, vivant dans la peur constante d’être arrêté. Il déménage sans cesse, évitant les lieux publics, son rêve américain devenu un cauchemar de clandestinité.
Pour Mervin, le retour est un mélange de soulagement et de douleur. Sa Bible, seul réconfort en prison, reste à ses côtés, symbole de sa résilience.
Une politique migratoire controversée
Le calvaire de Mervin et ses compatriotes est emblématique d’une politique migratoire dure, marquée par des arrestations massives et des expulsions expéditives. En juin 2025, plus de 60 000 migrants étaient détenus aux États-Unis, un record. Parmi eux, 71 % n’avaient aucun casier judiciaire, selon les données officielles.
Les décrets signés par Donald Trump dès son investiture, visant à restreindre l’asile et à instaurer l’état d’urgence à la frontière mexicaine, ont suscité une vive opposition. Plusieurs ont été suspendus par des juges, mais les arrestations continuent, souvent lors de rendez-vous pièges ou de descentes ciblées dans les quartiers latino-américains.
Les leçons d’un drame humain
L’histoire de Mervin Yamarte est celle de milliers de migrants pris dans les mailles d’un système migratoire impitoyable. Elle pose des questions essentielles sur les droits humains, la justice et la dignité. Comment un tatouage personnel peut-il devenir une preuve d’appartenance criminelle ? Pourquoi des détenus sont-ils privés de tout recours légal ?
Pour Mervin, le retour à Maracaibo marque un nouveau départ, mais aussi un retour à la précarité. Sa mère Mercedes, qui a mobilisé des familles pour alerter sur le sort des détenus, continue de se battre pour que justice soit rendue. Pendant ce temps, Juan, toujours aux États-Unis, rêve de réunir assez d’argent pour offrir une maison à sa famille, tout en vivant dans l’ombre.
- La jungle du Darien : un passage mortel pour les migrants.
- Le Cecot : une prison symbole de répression brutale.
- Les tatouages : une accusation sans fondement.
- La politique migratoire : un durcissement controversé.
- Le retour : un mélange de soulagement et de traumatismes.
L’odyssée de Mervin Yamarte, de l’espoir au désespoir, puis au retour, est un cri d’alarme. Elle rappelle que derrière les chiffres et les politiques, il y a des vies, des familles, des rêves brisés. Combien d’autres Mervin devront encore traverser cet enfer avant que le monde n’écoute ?