C’est une affaire qui réveille les douloureux souvenirs de la guerre civile au Guatemala. Selon des sources judiciaires, un juge a récemment ordonné l’arrestation de deux dirigeants indigènes, Pablo Ceto et Miguel Itzep, pour leur rôle présumé dans le massacre de plus de 120 personnes dans le village de Chacalté en juin 1982. Les deux hommes auraient fait partie d’un commandement de l’Armée de guérilla des pauvres (EGP) à l’époque des faits.
Un terrible épisode de la guerre civile
Le massacre de Chacalté est l’un des nombreux épisodes sanglants de la longue guerre civile qui a déchiré le Guatemala de 1960 à 1996, faisant environ 200 000 morts et disparus selon les estimations. D’après les autorités, les guérilleros de l’EGP auraient attaqué ce village pour « exterminer » ses habitants, leur reprochant de refuser de collaborer avec leur mouvement et jugeant la localité stratégique.
Pablo Ceto, aujourd’hui directeur d’une université communautaire et ancien candidat à la présidentielle, et Miguel Itzep, représentant d’un mouvement de victimes, sont tous deux accusés de meurtre et de crimes contre l’humanité. Plusieurs opérations ont été lancées pour procéder à leur capture.
Une guerre aux terribles répercussions
Le conflit guatémaltèque a été d’une violence inouïe, caractérisé par de nombreux massacres, disparitions forcées et autres exactions, principalement à l’encontre des populations civiles mayas. Selon la Commission de clarification historique, mise en place après les accords de paix, les forces de l’État, en particulier l’armée, sont responsables de la grande majorité des violations des droits humains commises pendant la guerre.
Mais les guérillas d’extrême-gauche, comme l’EGP, ont elles aussi commis leur part de crimes. En 2014, un ancien guérillero avait été condamné à 90 ans de prison pour le massacre de 22 indigènes en 1988, un cas jusqu’ici unique.
Un difficile chemin vers la réconciliation
Plus de 25 ans après la fin de la guerre civile, le Guatemala peine encore à affronter les fantômes de son passé. Si quelques hauts gradés et paramilitaires ont été jugés et condamnés pour des massacres, l’immense majorité des crimes restent impunis. L’arrestation récente d’anciens guérilleros montre cependant une volonté de faire la lumière sur tous les acteurs du conflit.
Mais pour de nombreuses victimes et organisations de défense des droits humains, la route est encore longue. Elles réclament notamment la fin de l’impunité, la recherche des disparus, des réparations, et de vraies politiques de mémoire et de réconciliation pour permettre au pays de tourner la page de ce sanglant chapitre de son histoire.
Le dossier des dirigeants indigènes recherchés pour le massacre de Chacalté est donc à suivre de près. Il pourrait marquer un tournant dans le traitement judiciaire des crimes commis pendant la guerre civile, l’une des plus meurtrières d’Amérique latine. Mais le chemin de la justice et de la paix est encore semé d’embûches dans ce pays profondément meurtri.