Imaginez la patience et la minutie qu’il faut pour repérer trois petites vertèbres fossiles, à peine visibles dans la marne. C’est pourtant le quotidien de Luc Ebbo, un paléontologue autodidacte de 48 ans qui voue sa vie à découvrir des dinosaures inconnus en haute Provence. Cet œil aiguisé par plus de 40 ans de prospection sait déceler ces trésors que l’érosion révèle peu à peu. Car pour ce passionné, chaque fossile compte. « Une pièce qui s’érode est détruite si elle n’est pas ramassée », souligne-t-il avec intensité.
Sur les traces des géants du Crétacé
Originaire de la région, Luc Ebbo écume inlassablement les terres sédimentaires datant du Crétacé inférieur, une période s’étalant de -145 à -100 millions d’années. Chaque sortie est une promesse, l’espoir de tomber sur un fragment d’os, une dent, un indice de ces animaux fascinants disparus il y a si longtemps. Les journées d’août sont écrasantes mais rien n’arrête ce diplômé d’un master en géologie quand il s’agit de remonter le temps.
Des heures de patience récompensées
Ce jour-là, à Barret-sur-Méouge dans les Hautes-Alpes, son flair ne l’a pas trompé. Les trois vertèbres repérées appartiennent sans doute à un jeune crocodile préhistorique, devine Luc en les examinant. Mais le travail ne fait que commencer. Il faudra revenir, creuser délicatement, chercher le reste du squelette probablement encore prisonnier de sa gangue rocheuse. Des heures de labeur, souvent solitaire, avec pour seule compagnie le chant des cigales et le ballet des rapaces.
Quand on trouve quelque chose, c’est toujours une émotion particulière, confie le paléontologue. On a l’impression de être le premier humain à poser les yeux sur cet animal depuis sa mort il y a des millions d’années.
– Luc Ebbo, paléontologue
Le lent travail de résurrection
Mais la quête ne s’arrête pas là. Une fois les fossiles extraits, un autre défi attend Luc Ebbo : leur redonner vie. Dans son atelier, il procède avec d’infinies précautions au dégagement de ces ossements si fragiles, les débarrassant de la gangue durcie par les âges. Un travail de fourmi et de spécialiste qui lui a déjà permis de mettre au jour plusieurs dinosaures remarquables. Parmi eux, un petit théropode juvénile baptisé affectueusement “Ernest”.
Partager la passion des fossiles
Au-delà de la découverte, l’autre mission de Luc Ebbo est de transmettre son savoir et sa passion. Il n’hésite pas à présenter ses trouvailles lors d’expositions et de conférences, émerveillant petits et grands. Son rêve ? Que d’autres prennent le relais, que les vocations naissent. « La paléontologie a besoin de sang neuf, de gens motivés prêts à prendre la relève », assure ce pionnier qui espère avoir contribué à mettre en lumière les richesses insoupçonnées du sous-sol provençal.
Une chose est sûre : le terrain de jeu de Luc Ebbo est loin d’avoir révélé tous ses secrets. Les collines cachent encore dans leurs entrailles de quoi occuper plusieurs vies de chercheur. Alors sans relâche, il continue d’arpenter ces paysages chargés d’histoire, les yeux rivés au sol, en quête du prochain indice, du prochain morceau du grand puzzle de l’évolution. Un véritable détective du temps profond, au service de notre connaissance des mondes perdus.