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Crise électorale en Namibie : l’opposant conteste le scrutin

La Namibie traverse sa pire crise depuis son indépendance. L'opposant Panduleni Itula conteste le scrutin chaotique entaché d'irrégularités et demande l'annulation des élections. Le pays modèle de démocratie vacille. Quel sera le dénouement de cette crise sans précédent ?

Plongée dans le chaos depuis le début des élections mercredi, la Namibie traverse la pire crise institutionnelle de son histoire. Panduleni Itula, principal opposant arrivé second à la présidentielle de 2019, a prévenu samedi qu’il ne reconnaîtrait pas les résultats de ce scrutin marqué par de nombreuses irrégularités et cafouillages, et ce même s’ils lui étaient favorables.

Après quatre jours d’un vote chaotique ponctué par des files interminables et des électeurs privés de leur droit, l’opposant a affirmé lors d’une conférence de presse que son parti « ne reconnaitra pas le résultat » des élections « quoi qu’il arrive ». Il a dénoncé un scrutin qui ne peut être qualifié de « libre, équitable et légitime » et annoncé son intention de faire « annuler » le vote selon « les procédures prévues ».

Un pays modèle qui vacille

Dirigée d’une main de fer par la Swapo depuis son indépendance en 1990, la Namibie, qui se targuait jusqu’ici de sa stabilité et de sa démocratie, entre dans une zone de turbulences sans précédent. L’ex-dentiste et avocat de 67 ans a appelé le président Mbumba à « réunir son cabinet pour trancher sur ce qui doit être fait » face à cette crise qui ébranle les fondations du pays.

Ouvert mercredi pour élire le président et le Parlement, le scrutin a été prolongé à deux reprises devant l’ampleur des dysfonctionnements. Selon un rapport d’observateurs, dans plus de 63% des bureaux de vote, les processus électoraux ont été « délibérément retardés ». Des bulletins sont arrivés en retard, privant de nombreux électeurs parmi les 1,5 million d’inscrits de leur droit le plus fondamental.

L’opposition réclame de nouvelles élections

Face à ce fiasco, Panduleni Itula, président des Patriotes indépendants pour le changement (IPC), exige la tenue de nouvelles élections « afin de garantir que le peuple namibien aura l’occasion d’exercer son droit démocratique ». Un scénario inimaginable il y a quelques jours encore dans ce pays riche en minerais, rongé par le chômage des jeunes et les inégalités mais fier de ses institutions.

Crédité de 29,4% des voix en 2019 en tant que candidat indépendant sans appareil partisan, M. Itula pouvait cette fois espérer mieux face à une Swapo affaiblie qui présentait pour la première fois une femme, Netumbo Nandi-Ndaitwah. Beaucoup voyaient déjà poindre l’hypothèse inédite d’un second tour. Mais la pagaille généralisée a rebattu les cartes, laissant le pays dans l’incertitude.

Le spectre des « files de la honte »

La décision de ne prolonger le scrutin que dans 36 bureaux de vote à travers le pays a suscité colère et incompréhension. « Il aurait fallu plus de bureaux », regrettait un électeur de la capitale Windhoek, déplorant que « la plupart des Namibiens ne vivent pas en centre-ville ». Pour beaucoup, ces élections resteront celles des « files de la honte », comme les a surnommées la presse locale.

Naita Hishoono, directrice de l’Institut namibien pour la démocratie, estime elle aussi qu’« il aurait été judicieux d’ouvrir plus de bureaux de vote. Chaque circonscription devrait en compter au moins un ». Un constat partagé par de nombreux observateurs qui redoutent que cette crise n’entache durablement la réputation du pays.

L’onde de choc des « printemps africains »

Pour la Swapo, c’est un coup dur qui fait ressurgir le spectre des « printemps africains » ayant balayé les partis historiques du pouvoir un peu partout sur le continent. En Afrique du Sud voisine, l’ANC a perdu cette année la majorité dans plusieurs grandes villes. Au Botswana, le BDP s’est effondré. Et la victoire du Frelimo est contestée dans la rue au Mozambique.

Même si les résultats provisoires lui donnent gagnante, la formation qui règne sans partage depuis plus de trois décennies sait que plus rien ne sera comme avant. Le vent du changement souffle sur la Namibie et pourrait bien emporter sur son passage le vieux système sclérosé. L’hypothèse d’une cohabitation, voire d’une alternance, n’est plus taboue. Tout dépendra de l’issue de cette crise post-électorale inédite.

Vers un basculement historique ?

Si les recours de l’opposition aboutissent à l’annulation du scrutin, la Namibie pourrait bien connaître le premier basculement de son histoire et tourner définitivement la page d’un système à bout de souffle. Mais le pouvoir ne se laissera pas faire sans combattre et tentera par tous les moyens de s’accrocher, quitte à attiser les tensions.

Une chose est sûre : quel que soit le verdict final des urnes, plus rien ne sera comme avant dans ce pays habitué à la stabilité. Le tourbillon électoral qui s’est abattu sur la Namibie laissera des traces et les plaies seront longues à cicatriser. Le modèle namibien tant vanté vacille sur ses bases. L’avenir dira s’il parvient à se réinventer ou s’il implose, emporté par une irrésistible soif de changement.

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