La chute du gouvernement Barnier, renversé mercredi soir par une motion de censure historique à l’Assemblée nationale, fait craindre une aggravation de l’impasse politique et budgétaire dans laquelle se trouve actuellement la France. L’agence de notation financière Moody’s a rapidement réagi en jugeant cet événement « négatif pour le crédit » du pays, qui peine déjà à maîtriser son déficit et sa dette publique.
Une censure qui « réduit la probabilité d’une consolidation des finances publiques »
Dans un communiqué publié quelques heures après le vote fatidique des députés, Moody’s estime que ce coup de théâtre politique « réduit la probabilité d’une consolidation des finances publiques » et « aggrave l’impasse politique » de l’Hexagone. Un jugement sévère qui fait écho aux inquiétudes des marchés et des partenaires européens sur la capacité de la France à redresser durablement ses comptes.
Le gouvernement Barnier avait fait du rétablissement des finances publiques sa priorité, avec l’objectif de ramener le déficit sous la barre des 3% du PIB dès 2024, comme l’exige Bruxelles. Mais la crise provoquée par cette motion de défiance inédite sous la Ve République risque de compromettre cet effort et de prolonger les dérapages budgétaires.
La France, mauvais élève de la zone euro
Avec un déficit public qui devrait atteindre 6,1% du PIB cette année selon les dernières prévisions, contre 4,4% initialement anticipé, l’Hexagone fait figure de lanterne rouge parmi les grands pays de la zone euro en matière de rigueur budgétaire. Une situation qui irrite ses partenaires et expose Paris à des sanctions de la Commission européenne.
Actuellement, nous nous attendons à ce que le déficit annuel du pays atteigne 6,3% du PIB en 2024, 5,3% en 2025 et 4,7% en 2026, bien au-dessus des plafonds de l’Union européenne.
Moody’s
Un dérapage qui s’explique en partie par des recettes fiscales moins dynamiques que prévu, mais aussi et surtout par une maîtrise insuffisante des dépenses publiques, qui continuent de croître plus vite que la richesse nationale. Un cercle vicieux qui alourdit année après année le fardeau de la dette, atteignant déjà près de 120% du PIB.
L’impact sur la notation financière de la France
Si Moody’s n’a pas encore dégradé la note de la France, actuellement fixée à « Aa2 » avec une perspective stable, l’agence avait déjà lancé un avertissement en octobre dernier en abaissant la perspective à « négative ». Un geste imité par sa concurrente Fitch, tandis que S&P a pour l’instant maintenu la note « AA- » et la perspective stable du pays.
Mais cette censure surprise du gouvernement Barnier, dans un contexte politique et social déjà tendu, avec des marges de manœuvre budgétaires limitées, pourrait accélérer une révision à la baisse si la situation devait se dégrader davantage et compromettre durablement les efforts de redressement des comptes publics.
Quelle sortie de crise pour les finances publiques ?
L’avenir dira si ce coup de tonnerre au Palais Bourbon aura été le coup de semonce nécessaire pour provoquer un sursaut et des réformes courageuses afin d’enrayer la spirale de la dette, ou au contraire le point de départ d’une nouvelle phase de turbulences et d’immobilisme budgétaire. Une équation délicate à résoudre tant la marge de manœuvre politique et les leviers fiscaux semblent étroits.
Une chose est sûre : il y a urgence à agir pour assainir les finances publiques et restaurer la crédibilité budgétaire de la France, sous peine de voir sa signature dégradée sur les marchés et de perdre la confiance déjà fragile des investisseurs et des partenaires européens. Un enjeu crucial pour la souveraineté économique et la capacité d’action future du pays.
«Reprendre le contrôle» des finances publiques relève de «l’intérêt national»
François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France
Reste à savoir quelle feuille de route sera finalement choisie, et par qui, pour redresser la barre au plus vite et éviter le naufrage budgétaire. Une mission qui s’annonce ardue et semée d’embûches dans le climat politique électrique actuel, mais un défi qu’il faudra pourtant bien relever, d’une manière ou d’une autre, pour l’avenir du pays. Les prochaines semaines s’annoncent décisives.