Imaginez un pays où dire la vérité devient un crime. Au Burkina Faso, cette dystopie prend forme sous nos yeux. Lundi, deux figures majeures du journalisme local ont été arrêtées dans la capitale, Ouagadougou, par des individus se présentant comme des agents des services de renseignement. Leur destination ? Un mystère. Leur faute ? Avoir osé dénoncer les atteintes croissantes à la liberté d’expression dans un État sahélien où la junte militaire resserre son étau sur toute voix dissidente.
Une Vague de Silence Imposée
Depuis le coup d’État de 2022 orchestré par un jeune capitaine, le Burkina Faso vit sous une chape de plomb. Les enlèvements de journalistes, militants et opposants se multiplient, transformant la capitale en un théâtre d’intimidation. Ces arrestations ne sont pas des cas isolés : elles s’inscrivent dans une stratégie froide et calculée visant à étouffer toute critique. Mais jusqu’où ira ce régime pour museler son peuple ?
Des Voix Critiques Disparaissent
Les deux journalistes arrêtés, figures influentes d’une association de défense de la presse, avaient récemment pris la parole lors d’un congrès. Leur message était clair : les attaques contre la liberté de la presse ont atteint un seuil critique, inédit dans l’histoire du pays. Quelques jours plus tard, ils étaient emmenés, sans explication, laissant derrière eux une profession en état de choc. D’après une source proche, sept autres confrères ont été enlevés rien qu’en 2024, certains toujours portés disparus.
Les atteintes à la liberté d’expression et de presse ont atteint un niveau jamais égalé.
– Un responsable associatif lors du congrès
Ce n’est pas un simple fait divers. Ces disparitions traduisent une volonté systématique de faire taire ceux qui osent défier le pouvoir. Les organisations internationales, comme une ONG spécialisée dans la défense des reporters, pointent du doigt un mode opératoire récurrent : des agents non identifiés, des lieux de détention secrets, et un silence assourdissant des autorités.
Un Régime Sous Pression
Le Burkina Faso traverse une crise profonde depuis une décennie, marquée par des violences jihadistes qui ont coûté la vie à plus de 26 000 personnes, civils et militaires confondus. La moitié de ces pertes sont survenues après le coup d’État de 2022, selon une organisation recensant les victimes de conflits. Face à cette spirale, le chef de la junte, un capitaine autoproclamé souverainiste, a choisi la manière forte : répression interne et réorientation diplomatique.
En mai dernier, une charte a été adoptée, lui offrant cinq années supplémentaires au pouvoir. Les élections ? Aucune date en vue. Pendant ce temps, le pays se rapproche de la Russie et de ses voisins, le Mali et le Niger, formant une alliance régionale qui défie les puissances occidentales. Mais à quel prix pour la population ?
La Presse dans le Viseur
Les médias, eux, paient un tribut particulièrement lourd. Outre les enlèvements, des suspensions frappent les organes internationaux, accusés de propager des informations jugées gênantes sur la lutte antijihadiste. À l’échelle locale, un média en ligne a récemment été convoqué par une instance officielle pour des commentaires d’internautes jugés trop virulents envers le régime. La modération devient une arme de censure déguisée.
- Sept journalistes enlevés en 2024.
- Des médias internationaux suspendus.
- Une instance officielle qui traque les critiques en ligne.
Cette chasse aux voix dissidentes ne s’arrête pas là. Des cas de réquisitions – un enrôlement forcé dans les forces de sécurité – visent spécifiquement les opposants, selon des ONG de défense des droits humains. Ces pratiques, instaurées par un décret de 2023, transforment les critiques en soldats malgré eux, envoyés sur le front jihadiste.
Une Société Divisée
Sur les réseaux sociaux, les avis divergent. Certains soutiennent la junte, voyant dans ces arrestations une nécessaire fermeté face à l’instabilité. D’autres, horrifiés, y lisent la fin d’un Burkina Faso libre. Cette fracture reflète un pays au bord du gouffre, où la peur et la résignation gagnent du terrain. Mais que reste-t-il de la démocratie quand les plumes s’éteignent une à une ?
Fait marquant : Un mouvement politique dénonçant un massacre de civils a vu cinq de ses membres disparaître la semaine dernière.
Ce climat oppressant n’épargne personne. Militants, journalistes, citoyens ordinaires : tous risquent de devenir des cibles. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : des milliers de morts, des villages ravagés, et une junte qui préfère la force au dialogue.
Un Avenir Incertain
Le Burkina Faso, autrefois membre actif de la Communauté économique régionale, a tourné le dos à cette alliance pour former un nouveau bloc avec le Mali et le Niger. Cette Alliance des États du Sahel promet une réponse coordonnée aux défis jihadistes, mais elle s’accompagne d’un durcissement autoritaire. Les observateurs s’interrogent : cette stratégie portera-t-elle ses fruits, ou précipitera-t-elle le pays dans un chaos encore plus profond ?
Année | Événement | Conséquences |
2022 | Coup d’État | Arrivée de la junte au pouvoir |
2023 | Décret de réquisition | Enrôlement forcé des dissidents |
2024 | Enlèvements massifs | Silence imposé à la presse |
Chaque année apporte son lot de restrictions. Le pays, déjà fragilisé par une décennie de combats, semble s’enfoncer dans une impasse. Les espoirs d’un retour à la stabilité s’amenuisent, tandis que la junte mise sur une rhétorique nationaliste pour justifier ses excès.
Que Faire Face à l’Oppression ?
Face à cette dérive, les appels à l’action se multiplient. Des ONG exigent la libération immédiate des journalistes et la transparence sur leur sort. Mais dans un contexte où le pouvoir se barricade, ces voix peinent à se faire entendre. La communauté internationale, elle, observe, partagée entre condamnations timides et realpolitik.
Pour les Burkinabè, le quotidien oscille entre résilience et désespoir. La lutte contre le jihadisme, légitime en soi, ne peut justifier l’écrasement des libertés fondamentales. Alors que le pays s’isole davantage, une question demeure : combien de temps tiendra cette fragile façade de contrôle ?
Le Burkina Faso est à un tournant. Entre répression brutale et défis sécuritaires, son avenir reste suspendu à des choix cruciaux. Une chose est sûre : le silence imposé ne pourra étouffer indéfiniment les aspirations d’un peuple.