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Burkina Faso : 8 Membres d’une ONG Libérés Après Accusation d’Espionnage

Huit humanitaires d’INSO, dont un Français et une Franco-Sénégalaise, arrêtés pour « espionnage » au Burkina Faso… Ils viennent d’être libérés. Mais que s’est-il vraiment passé derrière ces accusations graves ? L’histoire complète risque de vous surprendre.

Imaginez : vous travaillez depuis des années à protéger les humanitaires dans l’une des zones les plus dangereuses du monde, et du jour au lendemain, vous vous retrouvez accusé d’espionnage par un État. C’est exactement ce qu’ont vécu huit membres de l’ONG INSO au Burkina Faso.

Libération discrète après plusieurs semaines de détention

Fin octobre, un soulagement immense a traversé les couloirs de cette organisation spécialisée dans la sécurité humanitaire. Huit de ses collaborateurs, arrêtés sous l’accusation lourde d’espionnage, ont enfin retrouvé la liberté. Parmi eux, trois ressortissants européens : un Français, une femme possédant la double nationalité franco-sénégalaise et un Tchèque. Les cinq autres sont un Malien et quatre Burkinabè.

L’ONG, basée à La Haye, a confirmé l’information avec une sobriété qui en dit long sur la sensibilité du dossier. « Nous saluons la libération de nos collègues effectuée en toute sécurité », a-t-elle simplement déclaré, tout en remerciant les soutiens ayant rendu cela possible.

« Nous restons engagés pour soutenir l’aide délivrée par les organisations humanitaires en toute sécurité, à tous ceux dans le besoin. »

Communication officielle d’INSO

Un contexte tendu depuis l’été

Pour bien comprendre, il faut remonter à l’été dernier. Fin juillet, les autorités burkinabè décident brusquement de suspendre les activités d’INSO pour trois mois. Le motif invoqué ? Une « collecte de données à caractère sensible sans autorisation préalable ».

Cette suspension n’était pas un cas isolé. Entre juin et juillet, pas moins de 21 ONG ont vu leur autorisation d’exercer révoquée, tandis que dix autres ont été suspendues temporairement. Un véritable coup de balai dans le paysage humanitaire du pays.

C’est dans ce climat déjà très lourd que les arrestations interviennent. Le directeur pays (le Français), son adjointe franco-sénégalaise, le directeur global des programmes (Tchèque), ainsi que cinq autres collaborateurs se retrouvent privés de liberté.

INSO, une ONG pas comme les autres

Il est important de rappeler ce que fait réellement cette organisation. INSO ne distribue pas directement d’aide alimentaire ou médicale. Son rôle est plus discret, mais absolument vital : elle fournit des analyses sécuritaires pointues aux autres ONG et agences onusiennes présentes dans les zones de conflit.

Cartes des risques, alertes en temps réel, conseils d’évacuation… Sans ces informations, des milliers d’humanitaires ne pourraient tout simplement pas travailler dans le centre et le nord du Burkina, zones où les groupes armés font la loi.

Paradoxalement, c’est justement cette expertise en matière de sécurité qui semble avoir suscité les soupçons des autorités. Collecter des données sur les incidents violents, les mouvements de groupes armés ou les zones à risque peut, dans certains contextes politiques, être perçu comme une forme d’ingérence.

La montée du souverainisme au Sahel

Depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré par un coup d’État il y a trois ans, le Burkina Faso a opéré un virage souverainiste marqué. Rupture avec la France, expulsion des forces spéciales françaises, rapprochement avec la Russie, création de l’Alliance des États du Sahel (AES) avec le Mali et le Niger… Le message est clair : reprise en main totale de la souveraineté nationale.

Dans ce cadre, toute structure étrangère, même humanitaire, peut rapidement être vue comme une menace potentielle. Le Niger voisin a d’ailleurs pris une mesure similaire fin 2024 en révoquant l’autorisation d’INSO sur son sol.

Cette vague de méfiance n’est pas nouvelle dans la région. Plusieurs pays du Sahel traversent une période où la lutte contre le terrorisme se double d’une lutte contre toute forme perçue d’influence occidentale.

Que retenir de cette affaire ?

La libération des huit membres d’INSO est une bonne nouvelle, certes, mais elle laisse un goût amer. Elle rappelle à quel point le travail humanitaire est devenu précaire dans certaines régions du monde.

Derrière les accusations d’espionnage, c’est toute la question de la neutralité et de l’indépendance de l’action humanitaire qui est posée. Quand un État en crise décide de reprendre la main sur son territoire, les ONG, même les plus techniques, se retrouvent parfois prises dans la tourmente.

Pour l’instant, INSO n’a pas indiqué si elle reprendrait ses activités au Burkina Faso à l’issue de la suspension de trois mois. Une chose est sûre : cette affaire marquera durablement les relations entre les autorités burkinabè et le secteur humanitaire international.

Et pendant ce temps, des millions de Burkinabè continuent de vivre dans des zones où l’aide humanitaire reste plus que jamais nécessaire…

En résumé :

  • 8 membres d’INSO libérés fin octobre dont 3 Européens
  • Arrestations suite à une suspension d’activités pour « collecte de données sensibles »
  • Contexte de crispation souverainiste sous la junte Traoré
  • INSO reste déterminée à soutenir la sécurité des humanitaires dans le monde

Une page se tourne, mais de nombreuses questions restent en suspens sur l’avenir de l’aide humanitaire dans un Sahel en pleine recomposition politique.

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