Imaginez un pays où les routes sont bloquées, les stations-service à sec, et où chaque dollar compte. La Bolivie traverse aujourd’hui une crise économique sans précédent, marquée par une pénurie de devises étrangères et des tensions sociales explosives. Le président Luis Arce, dans une récente déclaration, a exprimé ses craintes face à un possible défaut de paiement qui pourrait plonger le pays andin dans une situation encore plus dramatique. Comment en est-on arrivé là, et quelles sont les solutions envisagées pour éviter le pire ?
Une Crise Économique aux Multiples Visages
La Bolivie, autrefois célébrée pour sa stabilité économique relative en Amérique latine, fait face à une tempête parfaite. Une pénurie de devises étrangères paralyse les importations essentielles, notamment les carburants, tandis que l’inflation atteint des sommets inégalés depuis 17 ans. Cette situation alarmante soulève une question cruciale : comment un pays riche en ressources naturelles peut-il se retrouver au bord du précipice financier ?
Une Dette Extérieure Sous Pression
Le cœur du problème réside dans la gestion de la dette extérieure bolivienne, qui représente 37,2 % des revenus nationaux bruts selon les données de la Banque mondiale. Le pays doit rembourser des montants colossaux, incluant capital et intérêts, à des créanciers comme la Banque interaméricaine de développement ou la Chine. Cependant, les caisses de l’État sont presque vides, et les nouveaux financements internationaux, d’un montant de 1,8 milliard de dollars, restent bloqués par un Parlement divisé.
« Nous essayons de ne pas nous retrouver en défaut de paiement. Nous avons l’intention de payer notre dette, mais si nous n’avons pas les ressources nécessaires ? »
Luis Arce, président de la Bolivie
Ce blocage est aggravé par des tensions politiques internes. Les parlementaires de l’opposition de droite et les soutiens de l’ancien président Evo Morales s’unissent pour freiner les initiatives du gouvernement, rendant l’accès à de nouveaux emprunts presque impossible. Sans ces fonds, la Bolivie risque de ne pas pouvoir honorer ses engagements financiers d’ici décembre, période où 2,6 milliards de dollars seront nécessaires pour couvrir les importations et les dettes.
Pénurie de Carburants : Une Bombe à Retardement
La crise ne se limite pas aux finances publiques. La Bolivie, qui importe ses carburants à des prix internationaux, les revend à perte pour maintenir des subventions populaires. Cette politique a vidé les réserves de change, rendant le pays vulnérable aux fluctuations des marchés mondiaux. Les stations-service, souvent à sec, sont devenues le symbole d’une économie en détresse.
Quelques chiffres clés pour comprendre la crise :
- Inflation : 18 % sur un an, la plus élevée depuis 17 ans.
- Réserves de change : Presque épuisées, limitant les importations.
- Dette extérieure : 37,2 % des revenus nationaux bruts.
- Financements bloqués : 1,8 milliard de dollars en attente d’approbation.
Cette pénurie de carburants alimente la grogne sociale. Les longues files d’attente aux pompes et les hausses de prix des produits de première nécessité exacerbent les frustrations d’une population déjà à bout.
Tensions Politiques : Un Pays Divisé
La crise économique est indissociable des tensions politiques. Les partisans de l’ancien président Evo Morales bloquent les routes, exigeant la démission de Luis Arce, qu’ils accusent d’avoir marginalisé leur leader pour l’élection présidentielle d’août 2025. Cette instabilité sociale paralyse davantage l’économie, en perturbant la circulation des biens et des personnes.
Arce, qui a remporté l’élection de 2020 avec 55 % des voix, voit sa popularité s’effondrer. Selon un récent sondage, seuls 9 % des Boliviens soutiennent sa gestion, un chiffre qui reflète la profondeur du mécontentement populaire. Le président pointe du doigt Morales, l’accusant d’orchestrer les troubles pour revenir au pouvoir.
« Si nous ouvrons la voie à la droite pour qu’elle remporte les prochaines élections d’août, c’est le peuple bolivien qui va souffrir, ce ne sera pas Evo Morales. »
Luis Arce
Un Échiquier Politique en Ébullition
À l’approche de l’élection présidentielle, la droite bolivienne gagne du terrain. Des figures comme l’homme d’affaires Samuel Doria Medina et l’ancien président Jorge Quiroga dominent les sondages, surfant sur le désarroi économique et social. Cette montée en puissance inquiète Arce, qui craint que l’arrivée de la droite au pouvoir n’aggrave les conditions de vie des Boliviens les plus vulnérables.
Le conflit entre Arce et Morales, anciens alliés, illustre la fracture au sein de la gauche bolivienne. Morales, leader emblématique des cocaleros, a annoncé son intention de se présenter à nouveau, ravivant les tensions au sein du Mouvement vers le socialisme (MAS). Ces divisions affaiblissent le camp progressiste face à une opposition de droite de plus en plus unie.
Les Défis à Venir : Peut-on Éviter le Pire ?
Pour éviter un défaut de paiement, la Bolivie doit rapidement débloquer des financements internationaux. Cependant, cela nécessite un consensus politique difficile à atteindre dans un climat de polarisation. Les solutions envisagées incluent :
- Négociations avec les créanciers : Obtenir des délais ou des restructurations de la dette.
- Relance des exportations : Exploiter les ressources naturelles, comme le gaz, pour renflouer les caisses.
- Réformes économiques : Réduire les subventions aux carburants pour libérer des fonds, bien que cela risque d’attiser la colère populaire.
Chaque option comporte des risques. Réduire les subventions pourrait déclencher de nouvelles protestations, tandis que l’exploitation accrue des ressources naturelles soulève des questions environnementales et sociales. De plus, la dépendance aux prêts étrangers expose la Bolivie à une perte de souveraineté économique.
Un Passé qui Résonne
La dernière fois que la Bolivie a fait défaut sur sa dette remonte à 1984, sous le gouvernement de Hernán Siles Zuazo. Cette période de crise a marqué l’histoire du pays, avec des conséquences durables sur l’économie et la confiance des investisseurs. Aujourd’hui, le spectre de cette époque plane à nouveau, renforçant l’urgence d’agir.
Le président Arce, conscient des enjeux, insiste sur la nécessité de préserver la stabilité sociale tout en restaurant la solvabilité du pays. Cependant, avec une popularité en chute libre et un Parlement hostile, ses marges de manœuvre sont limitées.
Un Avenir Incertain
La Bolivie se trouve à un carrefour critique. Entre une crise économique qui s’aggrave, des tensions politiques croissantes et une élection présidentielle qui s’annonce tendue, le pays doit naviguer avec prudence pour éviter une catastrophe financière. Le peuple bolivien, déjà éprouvé par les pénuries et l’inflation, attend des solutions concrètes.
Le défi pour Luis Arce et ses successeurs sera de restaurer la confiance, tant au niveau national qu’international. Mais dans un pays aussi divisé, la route vers la stabilité semble semée d’embûches. La question demeure : la Bolivie peut-elle surmonter cette crise, ou s’achemine-t-elle vers un défaut de paiement historique ?
La Bolivie à la croisée des chemins : entre crise économique et incertitudes politiques, l’avenir du pays andin reste suspendu à des décisions cruciales.